Fabienne Le Houérou

Fabienne Le Houérou

Migration, mixité, hybridité et images : un exemple d’écriture “rhizome” avec le Film Angu, une Femme sur le Fil(m)

Historienne, anthropologue et réalisatrice, CNRS, IREMAM, MMSH, Aix-Marseille-Université; Fellow à l'Institut convergences migrations, Aix-en-Provence
Figure 1 – « Angu, une femme sur le fil(m) », Affiche du film, Majnu Ka Tilla, New Delhi, 2013.

Figure 1 – « Angu, une femme sur le fil(m) », Affiche du film, Majnu Ka Tilla, New Delhi, 2013.

Le film qui a été projeté à l’occasion de la Journée d’étude Migration[s] en images à Bordeaux, en février 2018, puis au séminaire dirigé par Corinne Fortier, « Anthropologie du visuel, pratiques filmiques et anthropologiques », le 20 décembre 2018, fait état de l’émergence des émotions au moment du tournage. Après avoir réalisé différents longs métrages, sur des terrains relatifs aux migrations forcées, j’ai expérimenté dans le film Angu, une femme sur le fil(m) une narration enregistrée au moment de la prise de vue. Cela afin d’éviter de se soumettre à un commentaire postproduction, apportant une mise à distance temporelle entre le tournage et le montage. Il paraissait intéressant de mettre à plat les questions qui se posaient au moment même où le film se faisait. Les temps entre la prise de vue et le montage peuvent être si longs qu’ils entrainent des recompositions narratives qui font écran à l’émergence d’une parole authentique.

Le film Angu une femme sur le fil(m) explore les sentiments des réalisateurs au moment des prises de vues afin de faire émerger le trouble d’un cinéma de vérités. La profilmie, notion sur laquelle nous avons insisté dans un récent ouvrage (Filmer les réfugiés, 2016) s’invite dans le processus filmique, telle une entrave à la sincérité des témoignages filmés. L’auto-mise en scène est suspectée par les chercheurs en sciences humaines d’être un adjuvant polluant. Elle est continûment interprétée comme une « souillure » de l’enquête scientifique. Cette série de soupçons à l’égard d’une caméra profilmique participe d’une sous-évaluation et sous-estimation des entretiens filmés. La question de la vérité ne cesse de se poser et il est légitime qu’elle le soit. Néanmoins la notion de vérité peut s’interpréter comme une véritable fiction dans le cinéma à vocation scientifique. Tout observateur de sociétés reconnaît que les vérités sont plurielles, culturellement plurielles. Les normes qui se fabriquent dépendent des sociétés qui les tissent.

La question qui traverse le film se rapporte à une étude de cas et à une observation empirique-filmique, d’un couple mixte, réfugié dans la capitale indienne. Il s’agit d’une réfugiée tibétaine née en Inde, Angu((Également appelée Angie.)), de son compagnon kenyan, Osmond, et de leur petite fille métisse, Peggy, dans l’enclave ethnique de Majnu Ka Tilla à New Delhi. Il est question du seul couple mixte unissant une réfugiée tibétaine avec un migrant africain dans cette enclave tibétaine au nord de la capitale indienne. La singularité de la situation insiste sur la marginalité statistique de cette union et les réactions de rejet, à son égard, tant de la part de la diaspora tibétaine que de la société indienne. Le concubinage est « jugé » comme « dangereux », racialement, économiquement, culturellement. Au carrefour de plusieurs frontières, le titre du film en anglais incarne cette liminalité et utilise le terme anglais de « edge » (« Angu, a Woman on the Edge »)((Le film est accessible gratuitement sur Dailymotion : https://www.dailymotion.com/video/x2g236p)). Le choix de filmer ce ménage est donc déjà en étroite relation avec la question de la mixité et de ses limites en situation de migration forcée (ou volontaire).

Figure 2 – Osmond et Angu, New Delhi, colonie Tibétaine Majnu Ka Tilla, 2013

Figure 2 – Osmond et Angu, New Delhi, colonie Tibétaine Majnu Ka Tilla, 2013

La mixité

Le terme de mixité vient du verbe latin misceo qui signifie « mélanger ». Dans l’esprit d’Horace, il est question de « mettre ensemble des éléments distincts ». Pour Cicéron, en revanche, « mixte » renvoie à la notion de confusion. La notion de mixité entre dans le langage courant au milieu du XIXe siècle et le terme est surtout employé en relation avec l’éducation. Jusqu’au milieu du XXe siècle, il concerne le monde de l’enseignement, les « écoles mixtes » qui envisagent le mélange filles et garçons. Au commencement de son utilisation lexicale, la mixité se rapporte au genre et au sexe. La mixité envisagée comme diversité ne fait son apparition dans le champ conceptuel qu’après la Deuxième Guerre mondiale. Depuis les années 1960, la notion n’a cessé d’être utilisée pour évoquer les discriminations sous toutes ses formes. Il est question de « mixité sociale », « mixité culturelle », « mixité religieuse », le plus souvent pour souligner, justement, son absence.

L’hybridité culturelle

Dans son ouvrage, Les lieux de la culture, une théorie postcoloniale (2007), Homi K. Bhabha souligne que cette mixité aux contours flous n’est pas à confondre avec l’hybridité. Il affirme que « L’hybridité culturelle et historique du monde postcolonial est prise comme point de départ paradigmatique »((H. K. Bhabha, 2007, p. 58.)). Le paradigme de l’hybridité culturelle est présenté comme un signe manifeste de la postcolonialité et Homi K. Bhahba explore le monde colonial dans ses résurgences postcoloniales en insistant sur le mouvement. Il considère, dans cet ouvrage, le moment colonial comme fixe et le moment postcolonial comme impacté par la mobilité. Une mobilité induisant la création d’espaces interstitiels de mixité. Il identifie cette mixité au sein de ces interstices.

Lorsqu’il évoque l’hybridité, Homi K. Bhahba lui donne une historicité coloniale. En effet, c’est l’ambivalence du discours colonial qui donne naissance à cette hybridité. Dans un entretien il précise sa pensée et déclare que le pouvoir colonial disait :

« Vous êtes différents de nous, mais également vous êtes comme nous… Dans une certaine mesure. L’autorité coloniale exige des modes de discrimination… Une discrimination entre la culture mère et ses bâtards »((H. K. Bhabha, 2007, p. 58.)).

Le flou de cette ressemblance, qui n’en n’est pas, engendre cette ambivalence. Les Indiens, par exemple, sont à la fois « pareils » que les Britanniques et néanmoins « dissemblables »… Ils jouent au cricket et se mettent à consommer du whisky – avec un mimétisme encore présent de nos jours – qui fait émerger un espace de négociation. L’hybridité, dans la pensée de Homi K. Bhahba, n’est pas le mélange de deux cultures, mais un nouveau terrain négocié qui rappelle le concept de créolisation d’Édouard Glissant.

Aussi l’hybridité n’est pas véritablement une mixité. Il est moins question de mélange que de la traduction d’un ensemble de normes culturelles vers une autre culture. Cette hybridité se situe chronologiquement dans un continuum historique. C’est en quelque sorte l’apport colonial assumé, tissé par des traces qui sont réinventées (le cricket britannique réinventé en Inde). Le monde postcolonial est ainsi endetté par une histoire commune et des emprunts culturels. Elle défait le stéréotype d’un colonisé passif et incapable d’imaginaire en empruntant la voie d’un colonisé imaginatif réinventant la culture du colon. Elle institue un empowerment qui fait du colonisé un être créatif capable de sublimer des héritages coloniaux. Pour Homi K. Bhabha, il n’y a pas de frontières épaisses entre le monde colonial et le monde postcolonial. Il théorise un enchevêtrement à l’œuvre de cultures en constante interaction.

Les interstices

C’est une théorie du mouvement comme constante culturelle qui produit des interstices. Une notion intéressante qui vient brouiller les divisions et les frontières. Ces espaces produisent des sujets décentrés, fragmentés et disloqués. Il est question d’ingrédients qui se mélangent((H. K. Bhabha, 2007, p. 341.)) et produisent de l’indétermination. Aussi, cette hybridité est également, quoi qu’Homi K. Bhabha puisse s’en défendre, une mixité et un mélange, misceo. Une théorie de l’hybridité en rupture avec la notion de mixité n’est pas cohérente et le texte d’Homi K. Bhabha est contradictoire sur cette notion.

Les réflexions d’Homi K. Bhabha ont fortement influencé les études sur les migrations forcées et nombre de nos étudiants citent l’universitaire américain, doyen des Humanités à Harvard, comme théoricien majeur des Postcolonial Studies. À ce titre, il est cité tant par les historiens de la colonisation que par les linguistes ou les sociologues. Les notions qu’il utilise sont souvent obscures comme cette hybridité qui n’est pas une mixité, mais qui est décrite également comme un mélange produisant des espaces interstitiels. Des espaces mixtes, bigarrés, poches de confluences entre populations aux origines plurielles.

Figure 3 – Espace interstitiel faisant face à la colonie tibétaine et où les réfugiés tibétains ont un impact socio-économique, Penjâbi Basti, en 2013. Crédit photo Fabienne Le Houérou

Figure 3 – Espace interstitiel faisant face à la colonie tibétaine et où les réfugiés tibétains ont un impact socio-économique, Penjâbi Basti, en 2013. Crédit photo Fabienne Le Houérou

La réalité empirique de ces espaces interstitiels interroge mes terrains sur l’étude des migrations forcées. La mixité des espaces partagés dans les univers diasporiques est-elle réelle ? Des terrains au Moyen-Orient – dans une ville comme Le Caire où nous avions conduit des enquêtes sur la diaspora sud-soudanaise et au Darfour – nous avaient permis d’apprécier visuellement l’incongruité de cette mixité. L’observation des interactions quotidiennes dans le quartier de Quatre et demi (Le Houérou, 2007)((Le film Quatre et demi est accessible gratuitement sur Dailymotion : https://www.dailymotion.com/video/x3doxhm .)) nous avait bel et bien montré l’absence de mélange ethnique et la réalité du rejet de toute mixité. Un rejet fondé sur des notions de races, de classe et de religion. Les Sud-Soudanais y étaient clairement identifiés par des expressions insultantes telles que « Bongo Bongo », « chocolata », « chouchouka », censées ridiculiser et stigmatiser la couleur de la peau (Le Houérou, Hôtel du Nil, Voix du Darfour, 2008). La négociation pluriethnique de ces espaces se limite à des stratégies d’évitement du conflit dans les interactions quotidiennes forcées. Un des personnages du film originaire du Darfour demande à un Égyptien au Caire : « Pourquoi vous nous appelez Bongo-Bongo ? ».

Figure 4 – Espace interstitiel formé naturellement par la rivière Yamuna, la colonie tibétaine de New Delhi. Crédit photo Fabienne Le Houérou, 2013.

Figure 4 – Espace interstitiel formé naturellement par la rivière Yamuna, la colonie tibétaine de New Delhi. Crédit photo Fabienne Le Houérou, 2013.

Niches ethniques et logiques de regroupement spatial

Les Africains du quartier quatre et demi au Caire (sur lequel un film a été réalisé) formaient bel et bien un espace clivé. Une enclave tissée de frontières, qui, lorsqu’elles étaient traversées, provoquaient des conflits, hostilités, voire violences aggravées((Voir F. Le Houérou, 2007 et 2012.)). Ces violences ont été filmées dans les espaces interstitiels de la ville. Il semblait intéressant de comparer des niches ethniques formées par des diasporas dans des espaces géographiques et insister sur la dynamique spatiale entre le cœur de la ville et ses marges. La dimension spatiale pourtant fondamentale dans ces coexistences urbaines est absente de l’analyse de Homi K. Bhabha.

Figure 5 – Les drapeaux de prières tibétains sont utilisés comme des marqueurs spatiaux de la localisation des « Tibetans settlements. Crédit photo Fabienne Le Houérou, 2013.

Figure 5 – Les drapeaux de prières tibétains sont utilisés comme des marqueurs spatiaux de la localisation des « Tibetans settlements. Crédit photo Fabienne Le Houérou, 2013.

L’espace nous donne à voir visuellement la réalité des mélanges. Il a souvent été question de coexistences forcées plus que de mixité. Des recherches filmées sur différents espaces migratoires en Égypte, au Soudan et en Inde nous portent à considérer que l’observation de mixité et l’hybridité culturelles des zones où vivent les migrants s’apparentent à des faux-semblants et que la réalité sociale est, plus vraisemblablement, le fruit de séries d’emprunts culturels ou de “traductions culturelles”. Ces emprunts ne sauraient se confondre avec une véritable hybridité, mais se rapportent plutôt à des rencontres, à des intersections, des ponts, des points de confluence, des croisements furtifs obéissant à des contraintes socio-économiques. Les transports et les voies de communication sont ces points de jonction utilitaires, ponctuels et stratégiques ; ils ne correspondent pas à une volonté de se mélanger ou à un idéal de fusion. Il ressort de l’analyse spatiale que la logique de la rencontre entre les groupes distincts – partageant un même espace (Majnu Ka Tilla ou Quatre et demi) – obéit à la nécessité économique ou à l’urgence de mobilité urbaine.

Les frontières culturelles et ethniques deviennent étanches lorsqu’il est question de migrations et de l’habitat des migrants pauvres dans un pays d’accueil. Lorsqu’il s’agit de « poche » migratoire en milieu urbain, le constat est complexe. Les remparts sont construits non seulement par la société d’accueil, mais par les migrants eux-mêmes. Les réfugiés tibétains en Inde ont créé une milice de quartier pour surveiller leur colonie à New Delhi afin d’empêcher toute intrusion nocturne du monde indien dans la « colonie tibétaine » dont les portes se ferment après 22 heures. La raison invoquée est éminemment sécuritaire.

L’entre-soi est clairement recherché et revendiqué par les réfugiés tibétains dans la mégapole de New Delhi. L’Autre est toujours un intrus susceptible d’hostilité. Un viol d’une jeune tibétaine en 2011 – largement commenté sur les réseaux sociaux – est venu justifier cette surveillance constante du quartier par une milice créée par les réfugiés tibétains. Pour avoir filmé – sur la durée – deux poches ethniques, au cœur de deux mégapoles, telles que Le Caire et New Delhi, nous avons relevé des séries de convergences sur le plan de l’analyse spatiale.

– Le regroupement des migrants et des réfugiés s’organise autour d’exigences sécuritaires des réfugiés.

– L’impact du marché de l’immobilier et la pratique de loyers bas, en périphérie, favorisent la création d’enclaves excentrées. Les poches ethniques forment des espaces ségrégués, périphériques.

– En situation diasporique, les Tibétains bouddhistes ou musulmans se trouvent insérés dans les mêmes logiques de regroupements animés par la crainte de dissolution culturelle et par le rejet du métissage culturel. Aussi les choix matrimoniaux sont déterminants dans les stratégies de préservation de l’unité du groupe diasporique. Le mariage mixte étant clairement interprété comme un risque de dissolution et d’anéantissement identitaire.

– Les politiques locatives locales favorisent l’entre-soi et bloquent la mixité socio-ethnique.

– Les structures urbaines favorisant la mixité sont, le plus souvent, des axes routiers et des ponts, des points de jonction entre deux territoires. Des intersections imposées par l’urbanisme et les circulations économiques.

Figure 6 – Le pont reliant le quartier tibétain de Majnu Ka Tilla au reste de la ville de New Delhi est un « raccord » déterminant entre « Eux » (Les Indiens) et « Nous » (Les Tibétains). Symbole d'échange et de mixité.

Figure 6 – Le pont reliant le quartier tibétain de Majnu Ka Tilla au reste de la ville de New Delhi est un « raccord » déterminant entre « Eux » (Les Indiens) et « Nous » (Les Tibétains). Symbole d'échange et de mixité. L’« Iron bridge »(("The Tibetan Ethnic Enclave in New Delhi, A Visual perspective", Sociology Mind, 2018, 8, 203-220.)) incarne ce que nous pourrions définir comme un espace rhizomatique (Le Houérou, 2018, 2019). Un lieu renvoyant à de multiples directions et qui s'impose comme nœud urbain et carrefour socio-économique. Un point stratégique incontournable. Photo-montage, Fabienne Le Houérou, 2018.

À New Delhi, le travail à l’image a souligné que les voies de communication et les marchés étaient les points centraux de mixité socio-ethnique. Les Tibétains se mélangeaient aux Indiens sur un pont reliant leur colonie au quartier indien. Leur espace était circonscrit par une frontière très claire. La « Tibetan colony »​ était coincée entre une route et une rivière. Formant un véritable enclos. Une poche géographique avec une frontière naturelle (la rivière) et une frontière urbaine (la route). Dans le quartier de Quatre et demi, au Caire, la niche ethnique soudanaise est enclavée entre le désert et un axe routier. À quatre kilomètres et demi de l’axe routier allant du Caire à Suez. Le toponyme « Arba Wa Nuss » (Quatre et demi : https://www.dailymotion.com/video/x3doxhm) désignant le quartier soudanais au Caire est également en lien direct avec l’enchevêtrement des axes routiers.

Dans la « Tibetan colony » de New Delhi, l’espace de mixité est matérialisé par un pont de fer gigantesque séparant la ville indienne de la colonie tibétaine. La ville indienne étant perçue comme espace de tous les dangers, les réfugiés tibétains m’accompagnaient sur ce pont considérant que je pouvais y être en danger.

Le film Angu, une femme sur le fil(m) nous a permis de saisir que trop de mélanges avec les Indiens ou trop de proximités spatiales sont considérés, par l’ensemble de la diaspora tibétaine de New Delhi, comme néfastes, voire périlleux. La mixité, dans cette mégapole, ne recouvre aucune réalité sociale ou géographique. Angu est dépréciée pour avoir franchi de trop nombreuses frontières et, bien que le bouddhisme ne conçoit pas le statut d’intouchable, cette dernière est stigmatisée telle une intouchable par les réfugiés tibétains. Exclue par la diaspora, elle est également prise en charge et protégée par la communauté. Le mépris n’est pas associé à l’abandon communautaire, mais se teinte de compassion. C’est en filmant ce personnage sur la durée que le caractère ambivalent des des Tibétains à l’égard des démunis, entre mépris et compassion pour les plus pauvres, a émergé​.

Il s’agit donc d’un film qui pose l’hypothèse de la mixité, du mariage mixte et des descendants de ces unions. Les images, à notre sens, démontrent que ladite mixité n’est pas une notion appropriée pour saisir les interactions pluriethniques. En revanche, l’hybridité culturelle comme grammaire des emprunts culturels semble plus pertinente. Elle s’apparente à ce qu’Homi K. Bhabha appelle une traduction. Tout se passe comme si certaines recettes indiennes passaient dans la culture culinaire tibétaine et inversement. Ces emprunts sont également visibles au niveau de l’habillement. Plus particulièrement à New Delhi, les emprunts vestimentaires à la mode indienne sont très courants et varient d’un lieu à l’autre. New Delhi, mégapole, autorise des emprunts à une certaine indianité, moins acceptée dans d’autres localités comme Dharamsala, cœur du pouvoir tibétain où réside le Dalaï-Lama. Une politique culturelle volontariste contraint, par exemple, les femmes tibétaines à porter la chupa traditionnelle à Dharamsala. Cette robe longue et noire a cependant été indianisée en élargissant sa gamme chromatique à des couleurs plus vives. La chupa s’est éclaircie en Inde pour arborer des pastels ou des cotonnades aux motifs fleuris qui n’existaient pas dans le vêtement tibétain originel. Ces séries d’emprunts peuvent ainsi rejoindre la notion d’hybridité culturelle utilisée par Homi K. Bhabha et ainsi s’apparenter à des négociations entre « Eux » et « Nous » en s’insérant dans une dynamique de traduction. Les Tibétains traduisent culturellement certains habitus indiens.

Même sur le terrain religieux, les réfugiés tibétains traduisent la notion indienne de puja((Il s’agit d’un rite d’adoration d’origine aryenne qui a remplacé le sacrifice védique qu’on pratiquait dans un lointain passé. L’autel devant lequel se déroule la cérémonie comporte une ou plusieurs statues, ou images qui représentent le dieu ou la déesse du lieu. La puja consiste en une offrande de fleurs, de fruits, de riz, d’eau, d’encens à ces divinités. La personne qui accomplit la puja agite d’abord une clochette pour indiquer le début de la célébration, puis elle allume les lumières : bougies, cierges en tout genre. Elle peut alors déposer les fruits sur l’autel et procéder à la cérémonie proprement dite en récitant les prières consacrées, les mantras.)) et lorsqu’ils exercent leurs rituels bouddhiques, ils empruntent le terme indien de puja. Nous avons pu observer, également, que la catégorie « intouchabilité » avait impacté le système de représentation tibétain. Des éléments influents de la diaspora ont clairement exprimé qu’Angu était sale et on lui a interdit l’accès au sofa de l’hôtel tibétain où elle venait souvent nous rendre visite.

Figure 7 – Angu/Angie victime d'une perception liée à la propreté rituelle indienne. Photo 2018. Fabienne Le Houérou.

Figure 7 – Angu/Angie victime d'une perception liée à la propreté rituelle indienne. Photo 2018. Fabienne Le Houérou.

Le propriétaire tibétain de cet hôtel expliquait alors qu’Angu pouvait souiller ses meubles et faire fuir la « bonne » clientèle. Ces comportements, sans rejoindre précisément la rigueur des séparations indiennes entre castes, pouvaient s’apparenter à une vision des rapports sociaux déterminée par les frontières de souillure rituelle. Les Tibétains ont ainsi importé du monde indien cette notion de frontière rituelle entre humains sales et propres. La traduction tibétaine, plus souple, exprime néanmoins un imaginaire hybride et interstitiel impacté par le mimétisme. Une imprégnation culturelle « travaille » les réfugiés en diaspora. Il s’agit d’une imprégnation procédant par bain en imbibant la culture de l’autre dans un mimétisme presque inconscient. Aussi, c’est bien le mimétisme, notion développée par Homi K. Bhabha, qui accouche de l’hybridité et non l’inverse. C’est peut-être en cela que cet auteur considère que cette hybridité est un processus de résistance et de subversion culturelle.

Ainsi pour élaborer une théorie, Homi K. Bhabha convoque la notion de « traduction culturelle » (empruntée à Walter Benjamin) qui lui permet d’affirmer que la traduction culturelle vient contredire l’essentialisme d’une culture originale pure. Cette traduction, à mon sens, est observable dans différentes sociétés et espaces géographiques aussi distincts que l’Inde, l’Égypte et le Soudan. Toutes les identités sont hybrides. Travaillées par des forces culturelles de l’ailleurs. Travaillées par des mouvements, des imbrications et des séries d’adoptions culturelles dans le domaine linguistique, mais également culinaire, vestimentaire et même religieux. Ces forces agissent dans toutes les directions et se font à l’insu des réfugiés tibétains eux-mêmes.

Ces questionnements autour de la coexistence entre populations réfugiées et société d’accueil ont été celles qui furent à l’origine du projet de film sur Angu. Aussi pourrait-on considérer qu’Angu, une femme sur le fil(m) est un film à thèse. C’est-à-dire, que, contrairement à un cinéma qui se pense comme divertissement, ce film tente de résoudre une question, ou, tout au moins, attend des images des débuts de réponses.

Les images ont souligné une série de conclusions sur la stigmatisation induite par une union mixte rejetée par la diaspora tibétaine. Angu, comme il a été dit, était la seule femme tibétaine vivant dans cette colonie de New Delhi avec un partenaire africain. Cette union était considérée, par le reste de la diaspora, comme une forme de salissure et le terme utilisé pour désigner Angu était celui de kura en tibétain qui signifie vulgaire, grossier.

À l’origine de cette stigmatisation, la diaspora, dans son ensemble, considère que ce concubinage avec un Africain était dévalorisant et des rumeurs circulaient sur le compagnon d’Angu jugé comme sauvage, brutal et sans civilisation (uncivilized). Ces rumeurs étaient extrêmement violentes et le compagnon d’Angu, était, en conséquence, mis à l’index et traité en paria. Filmer permettait d’observer, au ras des interactions sociales, le dégoût que cet homme inspirait au reste de la diaspora. Filmer révélait, en outre, les processus de rejets communautaires et surlignait les logiques matrimoniales d’une diaspora vivant dans l’effroi permanent de la perte de leur identité tibétaine. Déconstruisant, de ce fait, le mythe d’une hybridité culturelle à l’œuvre dans les univers des migrants et réfugiés. Ce travail à l’image tentait de révéler des seuils de rejets et d’exils.

Rhizome

L’écriture filmique des migrations et des coexistences entre « étrangers » et « autochtones » sur un temps de vingt années d’investigation sur la même problématique m’incite à considérer que le cinéma scientifique participe en complémentarité de la mise en résultat de la science. En dépit d’une subalternité « historique » des images face aux mots dans l’organisation institutionnelle de la science, les images animées procèdent d’une écriture plurielle dont l’agencement est plus horizontal que vertical. Il est question d’écriture en forme de rhizome.

Le rhizome développé par Gilles Deleuze et Felix Guattari est l’un des éléments fondamentaux de la French Theory. Il est question d’une structure en constante évolution dans toutes les directions horizontales et sans niveaux. Elle s’oppose à la vision pyramidale et hiérarchique. Cette interprétation s’inspire des travaux mathématiques sur les fractales et cette théorie a des implications en philosophie, art, sciences humaines et sociales ; en insistant sur l’impermanence des systèmes, elle propose une lecture heuristique des migrations en relation avec l’hybridité culturelle et les images.

La mise en image ne saurait se présenter en écriture subordonnée au verbe, mais en interaction incessante avec lui dans des allées et venues continuelles qui nous rappellent les racines d’un rhizome. À cet effet et en guise de conclusion, citons l’ouvrage Milles plateaux publié aux éditions de Minuit en 1980. Dans leur introduction, Deleuze et Guattari évoquent les principes de connexion et d’hétérogénéité qui impliquent que le rhizome se constitue par liaisons d’éléments hétérogènes sans ordre préétabli (Deleuze, Guattari, 1980 : 13).

Le terme rhizome vient du grec et signifie « touffe de racines ». Le symbolisme de racines dans un enchevêtrement complexe renvoie aux multiples liens entre les différentes écritures et la part fondamentale des images dans la compréhension des migrations forcées et volontaires. Il est également utilisé par Édouard Glissant avec le concept clé de Relation dans son essai Poétique de la Relation : « La pensée du rhizome serait au principe de ce que j’appelle une poétique de la Relation, selon laquelle toute identité s’étend dans un rapport à l’autre » (1990 : 23).

La preuve par l’image

De quelle manière les images, les scènes, les plans du film Angu, une femme sur le fil(m) répondent-ils à la question de l’hybridité, de la mixité dans une pensée rhizome ? Pour donner une suite à cette question, il est nécessaire de revenir sur le film afin d’en faire une analyse imagétique plan par plan. Les images du pont qui relie l’enclave tibétaine de New Delhi et le quartier indien sont, en ce sens, des explorations spatiales. Les plans de l’organisation urbaine tentent de souligner les frontières. On y voit le personnage principal en interaction constante avec la société indienne dans des traversées de l’espace.

Mais ce sont surtout les interviews et les réflexions des personnages du film qui répondent à ces questions de façon plus frontale et moins suggestive. Les femmes de l’association tibétaine – chargées d’apporter un soutien socio-économique à Angu – expriment leur perception ambivalente de cette femme marginale. Elles évoquent les coups et blessures que le compagnon africain a fait subir à sa partenaire tibétaine et énoncent clairement qu’« Angu does not use her brain. She can go with a guy, like that, and get pregnant ». Il est question de la liberté sexuelle du personnage principal qui est ici « jugée » par les femmes de la diaspora qui expriment un rejet de cette mixité de façon humoristique. Avec un petit rire de mépris.

Cette expulsion revient plus tard dans le film lorsque dans l’Himalaya, à Dharamsala, où se trouve l’enfant métisse du couple, Osmond est l’objet d’ostracismes sociaux. Les séries d’exclusions manifestées par la diaspora tibétaine émaillent les plans jusqu’au moment, à la fin du film, où un ami du couple déclare : « Je ne peux pas dire que l’enfant métisse du couple est belle car elle est noire ». Ce personnage tibétain, proche du couple, n’hésite pas à stigmatiser Angu en déclarant : « I prefer to go with an old woman, than with a woman like Angu ». Il suggère que la proximité d’Angu avec un Noir la rend répulsive pour les hommes de la communauté tibétaine.

Il est donc question de racisme clairement professé face caméra. Ce racisme ordinaire auquel le couple doit faire face est surtout prégnant dans le hors-champ et dans les interactions quotidiennes. Le film dure 46 minutes, mais il repose sur un travail de captation d’images de 120 heures. La marche narrative du film obéit à une progression incarnée par la recherche de l’enfant. Un construit filmique ne peut accumuler des orientations qui partent dans de nombreuses directions (en rhizome) et la narration obéit au récit congruent porté par un fil directeur.

Certaines scènes extrêmement signifiantes sur le bannissement social dont Osmond, le partenaire kenyan, est l’objet n’ont pas été montées. Aussi un film à vocation scientifique ne se limite pas au simple montage final. Il englobe l’ensemble des rushs qui viennent enrichir la réflexion. Les restes imagétiques d’un film peuvent être plus heuristiques dans le processus d’accumulation de connaissance que le film stricto sensu enclavé dans sa minuterie et sa durée. La richesse des hors-champs est une thématique classique toujours féconde des études cinématographiques. Le hors-champ est inclus dans cette pensée de rhizome, dans le sens où, sans apparaître dans le cadre, il existe comme force souterraine, telle une racine d’une plante rhizome : le roseau, le tubercule ou encore le nénuphar. Les racines sont ainsi enfouies, elles sont invisibles à l’œil, mais sur-existent à l’ombre de l’objectif et de son cadre.

Cette pensée aux multiples ramifications participe à ce qu’Édouard Glissant nomme le « Tout-Monde », un concept qui relie les éléments dans un système d’échanges cimentant des éléments parfois opposés (champs/hors-champ) :

« Nous sommes fatigués de l’arbre, écrit Glissant dans Poétique de la Relation. Nous ne devons plus croire aux arbres, aux racines, aux radicelles, nous en avons trop souffert. Au contraire, rien n’est beau, rien n’est amoureux, rien n’est politique sauf les tiges souterraines et les racines aériennes, l’adventice et le rhizome ».((G. Deleuze et F. Guattari, 1980, p. 24, https://www.cequisecret.net/sites/secret/public/pdf/Mille-Plateaux-Gilles_Deleuze.pdf.))

Cette manière englobante de penser ne procède pas par séparation. Dans cette vision, un film n’est pas détachable de l’ensemble des prises de vue qu’il aura occasionné. À l’ombre du film lui-même, cet univers d’images éclaire le propos scientifique. Le tout-monde est une façon de penser reliante qui s’apparente aux mondes numériques de la connexion ou un lien nous entraîne vers d’autres liens dans une chaîne cognitive ou l’effet sécateur serait contre-productif.

Bibliographie

Bahbha, Homi K., 2007Les lieux de la culture, une théorie postcoloniale, Paris, Payot.

Deleuze G., Guattari, F., 1980Mille plateaux, Paris, Éditions de Minuit.

– Glissant É.,

– 1990, Poétique de la relation (Poétique III), Paris, Gallimard.

– 1995, Introduction à une poétique du divers, Paris, Gallimard.

– 1997, Traité du Tout-Monde (Poétique IV) , Paris, Gallimard.

– 1997, Le Discours antillais, Paris, Gallimard, coll. Folio essais.

 – 2010, L’Imaginaire des langues. Entretiens avec Lise Gauvin (1991-2009), Paris, Gallimard.

Le Houérou, F.,

– 2005, « Diasporas in Cairo: transit territories and the transient condition », Kolor ,vol. 5, n° 1.

– 2007, « Migrations sud-sud », REMMM, n° 119-120.

– 2007, « Voisins ou ennemis à Quatre et demi ? La mise en scène du quotidien des migrants forcés. Égyptiens et réfugiés sud-soudanais dans un quartier populaire du Caire », REMMM, n° 119-120, novembre, p. 59-80.

– 2012, Périples au Maghreb, Voyages Pluriels de l’Empire à la Postcolonie (XIXe-XXIe siècles), sous la dir., coll. Mondes en mouvement, L’Harmattan, Paris.

– 2015, « La profilmie en question (Introduction) » sous la dir., Revue Science and Video, n° 5. Liens : http://scienceandvideo.mmshuniv-aix.fr/numeros/5/Pages/05-01.aspx

– 2015, « Questionner les concepts d’auto-mise en scène et de profilmie », Revue Science and Video, n° 5. liens : https://scienceandvideo.mmsh.fr/5-1/ 

– 2016, Filmer les réfugiés, Cinéma d’enquête, Études visuelles et subjectivité assumée. Documentaires, films ethnographiques, ethno-fictions ou ego fictions ? L’Harmattan, collection Mondes en Mouvement, Paris.

– 2018, «The Tibetan Ethnic Enclave in New Delhi, A Visual perspective», Sociology Mind, n° 8, p. 203-220.

– 2018, « Les réfugiés en images, images de réfugiés », (dir.), Sience and Video, N°7. https://scienceandvideo.mmsh.fr/n-07/

– 2018, « Crise des réfugiés, crise de représentation », in Fabienne Le Houérou (dir), Les réfugiés en images, images de réfugiés, Science and Video, n° 7, 2018. https://scienceandvideo.mmsh.fr/7-1/

– 2018, « Un imaginaire barbelé. La crise de représentation des réfugiés de la Seconde guerre des Boers à nos jours (1895-2017) », in Fabienne Le Houérou (dir), Les réfugiés en images,images de réfugiés, Science and Video, n° 7. https://scienceandvideo.mmsh.fr/7-6/

– 2019, Behind the bridge, The Tibetan Diaspora in India, Lit Verlag, Berlin (sous presse).

Ruby, J., 2000, « Picturing Culture: Essays on Film and Anthropology ». Chicago : University of Chicago Press.

Filmographie

Le Houérou, F.,

–  1996, Hôtel Abyssinie, documentaire, août, 52 minutes, coproduit par la Sept/Arte et le CNRS Audiovisuel.

–  2005, Nomades et Pharaons, documentaire, La vie est belle films, CNRS Images, Cytizen télévision, 46 minutes avec la participation de TV5 et KTO.

– 2008, Filmer les déracinés, entretien avec Antoine Spire, Cinaps TV.

– 2007, Hôtel du Nil : Voix du Darfour, produit par le CNRS Images, Wapiti Production, 52 minutes.

– 2010, Les sabots roses du Bouddha, webdoc de 26 minutes, Produit par le CNRS Images et l’IREMAM.

– 2012, Quatre et demi. Chronique urbaine des réfugiés sud-soudanais et des Coptes de Haute-Égypte déplacés au Caire, CNRS Images, 52 minutes.
http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/38556_1

– 2014, Angu, une femme sur le fil(m). 52 minutes, IREMAM, Labexmed, CNRS, AMU, CulturaMundi. Version française et version anglaise).
https://www.dailymotion.com/video/x2g236p

– Princes et vagabonds. Migrations des Musiciens Manganiars dans le désert du Thar (Rajasthan). Entre local et global, 1H13, MIGRINTER, Université de Poitiers, IREMAM, Aix-Marseille-Université. (Version cinéma et version télévisuelle en anglais et en français).

Ruby, J., A Country Auction : The Paul V. Leitzel sale (1983)

Can I Get A Quarter? (1983)

Rebekah and Sophie: A Lesbian Family (2005)

Taylor Family Portrait (2005)

Dear Old Oak Parkers (2006)

Oak Park Regional Housing Center (2006)

Val (2006)

 Country Auction Study Film: Reflexive Musings (2010)

Web reference

Extrait d’une conférence d’Édouard Glissant dans le cadre du séminaire de l’ITM : “Philosophie du Tout-Monde” (30 mai 2008 à Paris, Espace Agnès B.). Entretien d’Édouard Glissant, 2008. http://www.edouardglissant.fr/toutmondeetlitterature.html

Reynolds, Michel, L’hybridité comme espace d’émancipation, Témoignages, 2011.
https://www.temoignages.re/chroniques/tribune-libre/l-hybridite-comme-espace-d-emancipation,50467 

Fabienne Le Houérou
Fabienne Le Houérou
Histoire, Anthropologie à Institut de recherches et d’études sur les mondes arabes et musulmans (IREMAM) | Site Web | Plus de publications
Historienne, anthropologue et réalisatrice, CNRS, IREMAM, MMSH, Aix-Marseille-Université; Fellow à l'Institut convergences migrations, Aix-en-Provence, Directrice de la Revue Science and Video

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"Migration, mixité, hybridité et images : un exemple d’écriture “rhizome” avec le Film Angu, une Femme sur le Fil(m)." Revue Science and Video [Online]. Available: https://scienceandvideo.mmsh.fr/9-6/. [Accessed: 3 décembre 2024]
Revue Science and Video (3 décembre 2024) Migration, mixité, hybridité et images : un exemple d’écriture “rhizome” avec le Film Angu, une Femme sur le Fil(m). Retrieved from https://scienceandvideo.mmsh.fr/9-6/.
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"Migration, mixité, hybridité et images : un exemple d’écriture “rhizome” avec le Film Angu, une Femme sur le Fil(m)." Revue Science and Video - Accessed 3 décembre 2024. https://scienceandvideo.mmsh.fr/9-6/

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