N° 6 > 2017 | La photographie de famille en Méditerranée, de l’intime au politique

La photographie de famille en Méditerranée, de l’intime au politique

N° 6 > 2017

Coordonné par Gilles de Rapper

N° 6 > 2017 | La photographie de famille en Méditerranée, de l’intime au politique
Introduction au numéro. Gilles de Rapper, Université d'Aix-Marseille, CNRS, IDEMEC, Aix-en-Provence, France.
Figure 2. Photographie de famille à l’occasion d’une cérémonie officielle dans un village du Devoll, août 1963. Avec l’aimable autorisation de la famille Pysqyli, Bilisht.
Gilles de Rapper propose dans un premier temps un état des lieux de la recherche sur la photographie de famille, en insistant sur la variété disciplinaire et sur l'absence d'une approche théorique ou méthodologique unifiée de cet objet.
Ece Zerman s'intéresse ainsi à l'appropriation de la photographie à des fins privées par les familles aisées d'Istanbul au moment du passage de l'Empire ottoman à la Turquie républicaine. Doctorante en histoire, EHESS, CETOBaC.
Photograph 1. From interviews in houses in the centre of the city.
Dans la Grèce d'après la Seconde Guerre mondiale, la photographie a aussi constitué un marqueur d'appartenance et de prestige pour la bourgeoisie de la ville de Thessalonique. Miltiadis Zerboulis montre dans son article comment ces images continuent aujourd'hui à jouer un rôle actif dans la façon de raconter et de mettre en scène l'histoire familiale dans son articulation à l'histoire collective.
Fig. 1 Visite officielle du Premier ministre albanais Mehmet Shehu à Sofia, Bulgarie, 1954 (Fonds privé).
L'article aborde la relation entre intime et politique à partir du phénomène de la mutilation des photographies dans l'Albanie communiste et post-communiste : la dimension visuelle de la politique de l'État communiste, qui veut que les « ennemis » ne soient pas visibles, prend la forme de pratiques d'autocensure appliquées aux photographies de famille.
Robert Pichler revient sur sa propre pratique photographique en Albanie du Nord, dans les premières années ayant suivi la chute du régime communiste, pour montrer comment le statut et la réception de ces images, issues d'une région possédant elle-même une « image » bien marquée en Albanie (pauvreté, arriération, violence), changent selon les contextes et les spectateurs auxquels elles sont présentées.
Marie-Hélène Sauner analyse sa pratique photographique dans la Turquie contemporaine, en contrastant ses usages de la photographie en milieu rural dans les années 1990 et sa participation, en tant que photographe, à l'engouement récent pour la photographie de naissance dans les maternités d'Istanbul.


Ce numéro de Science and Video propose une réflexion sur la catégorie de « photographie de famille » en Méditerranée et sur les outils méthodologiques permettant de l’appréhender. Malgré un intérêt continu mais constamment marginal pour la photographie de famille dans les sciences sociales depuis les années 1960, on peut en effet faire le constat de l’absence d’une approche unifiée qui permettrait de l’aborder dans sa diversité (dans le temps et dans l’espace) et sous ses différents aspects. Il semble donc nécessaire de débrouiller les multiples questions de recherche posées à partir de la photographie de famille et de réfléchir aux dimensions comparative et interdisciplinaire qu’elle implique. Les textes rassemblés ici relèvent en effet de plusieurs disciplines (histoire, anthropologie, psychanalyse) et portent sur la Méditerranée orientale (Albanie, Grèce, Turquie) depuis la fin de l’époque ottomane jusqu’à aujourd’hui. L’articulation entre les dimensions « intime» et « politique » de la photographie de famille a servi de point de départ à la réflexion, mais d’autres questions touchant à l’émergence, au contenu et aux usages de la photographie de famille traversent les articles du numéro.