Gilles de Rapper

Gilles de Rapper

La photographie de famille comme objet de recherche

Ethnologue, Université d'Aix-Marseille, CNRS, IDEMEC, Aix-en-Provence, France.

Je voudrais exposer dans cet article la manière dont la photographie de famille est devenue pour moi, tardivement, un objet de recherche et comment elle a contribué à infléchir mon travail sur la société albanaise. Je voudrais aussi revenir sur les questions posées par le projet de recherche La photographie de famille en Méditerranée, de l’intime au politique((Projet amorce réalisé dans le cadre du laboratoire d’excellence Labexmed – Les sciences humaines et sociales au cœur de l’interdisciplinarité pour la Méditerranée, portant la référence 10-LABX-0090. Ce travail a bénéficié d’une aide de l’État gérée par l’Agence nationale de la recherche au titre du projet Investissements d’avenir A*MIDEX portant la référence ANR-11-IDEX-0001-02.)), et situer les articles qui composent ce dossier par rapport à l’état de la recherche sur ce thème. De cette façon, l’objectif de cet article est de contribuer à la constitution méthodologique et théorique de la photographie de famille comme objet de recherche. Malgré un intérêt continu mais constamment marginal pour la photographie de famille dans les sciences sociales depuis les années 1960, on peut en effet faire le constat de l’absence d’une approche unifiée qui permettrait de l’aborder dans sa diversité (dans le temps et dans l’espace) et sous ses différents aspects. Il semble donc nécessaire de débrouiller les multiples questions de recherche posées à partir de la photographie de famille et de réfléchir aux dimensions comparative et interdisciplinaire qu’elle implique.

Pourquoi la photographie de famille ?

Je me suis intéressé à la photographie de famille en Albanie longtemps après avoir commencé à faire du terrain dans ce pays. Ce n’est qu’en 2008 que la photographie est devenue pour moi un objet de recherche. Ce « tournant visuel » est principalement le résultat d’une incitation extérieure, en l’occurrence la rencontre avec une photographe entrant en résonance avec mes préoccupations d’alors. Après avoir travaillé dix ans dans plusieurs régions d’Albanie et des Balkans sur les questions de frontières et sur l’anthropologie de la parenté, j’ai commencé à m’intéresser à l’héritage de la période communiste en Albanie, notamment dans le domaine des relations familiales et de leurs liens avec la politique. Ces liens se manifestaient principalement dans la notion de « biographie » qui, élaborée et mise en pratique à l’époque communiste, continuait, dans les années 1990 et 2000, à alimenter les conversations et à orienter les comportements individuels et les relations entre familles. La « biographie » est un système de classement qui permet de répartir les individus et les familles en « amis » ou « ennemis ». Elle consiste en une politisation de l’origine familiale jointe à l’application d’un principe de responsabilité familiale et lignagère (de Rapper 2006). D’une part, ce chantier nécessitait de mener des entretiens dans les familles de façon à retracer des trajectoires et à comprendre comment se faisait l’interaction entre les individus et les diverses institutions chargées d’appliquer ce classement (organisations du parti, école, armée, etc.). D’autre part, il fallait s’intéresser à la politique de la famille mise en œuvre par les autorités et aux représentations de la famille et des relations de parenté qui la sous-tendaient. Je n’avais pas, alors, envisagé que la photographie de famille pût constituer une source ou un outil d’enquête, mais la rencontre, en 2008, avec Anouck Durand m’a incité à donner une dimension visuelle à cette recherche.

Anouck Durand était photographe. Elle se définissait comme photographe-plasticienne et s’intéressait aux relations entre les images et la narration en s’inscrivant dans le courant de la post-photographie. Elle avait à cet égard écrit deux photos-romans à partir de photographies trouvées : l’un exploitant les images prises par un soldat italien lors de la conquête de l’Éthiopie entre 1935 et 1937, l’autre reposant sur un stock de photographies de famille datant des années 1930((La nouvelle photographique Éthiopiques, 1935-1937 a fait l’objet d’une acquisition par le musée Nicéphore Niépce de Chalon-sur-Saône en 2010. Comment je me suis sauvée est un livre d’artiste publié en 2012.)). Sa demande de collaboration émanait d’une interrogation sur la spécificité de la photographie de famille en situation totalitaire : les effets du communisme étaient-ils visibles sur les photographies conservées dans les familles ? Elle souhaitait d’autre part, en faisant de ces images le matériau d’une nouvelle narration, réévaluer les critères esthétiques qui excluent généralement la photographie de famille de la catégorie du « beau ». Ces images ont en effet, jusqu’à ces dernières années, occupé une place marginale dans l’histoire de la photographie, en raison du jugement esthétique dépréciatif porté sur elles.

Nous avons mené nos premières enquêtes de terrain en commun au printemps 2008. La photographie de famille n’était qu’une des pistes envisagées au départ dans le cadre de notre collaboration, mais elle est rapidement devenue un objet privilégié((Les autres sujets proposés, qui devaient potentiellement faire l’objet de reportages photographiques, concernaient la revitalisation de la pratique religieuse après 1990 et en particulier l’émergence du culte de Mère Térésa, l’architecture industrielle de la période communiste et son état présent, etc.)). La découverte de fonds familiaux a d’emblée soulevé des questions qui tendaient à relativiser l’image courante de la photographie de famille : ces photos n’avaient généralement pas été réalisées dans le cadre domestique, ni par un membre de la famille, ni avec l’appareil photo familial. Dans leur immense majorité, elles avaient été réalisées par des photographes professionnels employés par des studios publics et rémunérés par l’État. Ce qu’elles donnaient à voir était moins le bonheur familial que l’implication des membres de la famille dans toutes sortes d’activités extérieures à la sphère domestique : école, travail, cérémonies officielles, activités artistiques ou sportives. Ces premières observations nous ont conduits à nous intéresser, au-delà des images elles-mêmes, à la façon dont elles avaient été produites. Nous sommes alors partis à la rencontre d’anciens photographes des studios publics afin de les interroger sur leur façon de travailler et sur l’organisation de la photographie dite « de service public ». Nous avons alors réalisé que nous ne pouvions envisager ces photographes isolément, tant leurs liens avec les autres catégories de photographes étaient étroits. C’est l’ensemble de la profession et de la production photographique de l’époque communiste qu’il nous fallait considérer. La photographie de famille reste cependant un observatoire privilégié de cette production. Elle permet en effet d’aborder la question du devenir de la profession marqué par la disparition progressive des studios privés et par l’établissement du monopole des studios publics, celle du contrôle politique exercé sur la photographie et à travers elle (notamment par l’imposition de normes et de codes de la présentation de soi), celle de la photographie amateur, au statut ambigu et changeant, celle de la transmission de la mémoire familiale, entre autres. Surtout, elle invite à apporter une dimension visuelle à l’étude des transformations de la famille et de la parenté dans le contexte de l’Albanie communiste. Sur ce point cependant, les choses ne sont pas simples.

Une connexion manquante ? Anthropologie de la parenté et photographie

S’intéresser au rôle et à la transformation des relations lignagères, à la réorientation des alliances entre lignages ou entre groupes confessionnels, aux critères de perpétuation du nom et de transmission des biens, tout cela relève de l’anthropologie de la parenté. Ce champ de recherche, considéré comme fondateur au sein de la discipline anthropologique, menacé de disparition sous les coups de la critique post-moderne, connaît ces dernières années un regain d’intérêt, notamment sous l’effet des gender studies et de l’intérêt pour les transformations du droit comme pour les nouvelles techniques de reproduction. Force est cependant de constater que l’anthropologie de la parenté, dans sa version classique comme dans son renouveau, ne s’est guère appuyée sur la photographie de famille alors même que celle-ci semble indissociable des relations de parenté, que l’on considère qu’elle les représente ou qu’elle les constitue. Au moins deux explications peuvent être apportées à cet état de fait.

La première, la plus évidente, est que les sociétés dans lesquelles ont été recueillies les observations permettant de reconstituer des systèmes de parenté (terminologies, généalogies) n’étaient pas perçues comme pratiquant la photographie. La photographie de famille serait une catégorie moderne et occidentale, émanant elle-même d’une invention technique moderne et occidentale. À l’opposé, les sociétés ethnographiées ont longtemps relevé de l’altérité et de la tradition et leur accès à la photographie ne pouvait qu’être tardif et différent. Des travaux récents sur l’histoire de la photographie en contexte colonial montrent cependant que l’on aurait tort de négliger l’appropriation très précoce de la photographie par les « indigènes ». À la suite de la publication officielle de l’invention du procédé photographique (1839), sa diffusion dans le reste du monde se fait très rapidement. Les ethnographes, parmi d’autres, contribuent à mettre en contact de nombreuses populations avec la photographie. Celle-ci ne peut dès lors être uniquement conçue comme un instrument d’enregistrement de la réalité aux mains de l’ethnographe ou d’autres agents de la situation coloniale : des clichés réalisés par eux sont appropriés, utilisés et interprétés en contexte local. S’il est sans doute inapproprié de parler de photographie de famille dans chaque cas, on peut faire l’hypothèse que la photographie possède une « fonction familiale », pour reprendre une expression de Pierre Bourdieu dans un ouvrage qui a fait date sur la pratique populaire de la photographie en France (Bourdieu 1965), ou qu’il existe une « condition photographique » de la famille, comme le suggère Mary Bouquet dans un article sur la photographie de famille aux Pays-Bas (Bouquet 2000). Lorsque des photographies des défunts sont intégrées au culte des morts, lorsque la photographie participe aux échanges amoureux ou matrimoniaux ou lorsqu’elle contribue à maintenir les relations entre parents éloignés physiquement, comme cela a été observé dans les Îles Salomon (Wright 2013), il est difficile de ne pas penser que ces usages de la photographie sont similaires à ceux qui fondent la catégorie de photographie de famille.

La deuxième explication tient à la place ambiguë de la famille en anthropologie de la parenté. Comme le rapporte Enric Porqueres i Gené, celle-ci a tout à la fois constitué un « point de départ naturel » (la notation généalogique retenue par W. H. Rivers dès 1910 pose la validité universelle de la famille nucléaire((C’est ce qui apparaît dans l’usage, pour les notations généalogiques, des termes de base que sont le père (F), la mère (M), le fils (S), la fille (D), l’époux (H), l’épouse (W), le frère (B) et la sœur (Z).))) et un « point d’arrivée culturel » : pour D. Schneider par exemple, elle est ce qui reste lorsque la parenté se retire de la sphère publique et ne participe plus à l’organisation d’autres institutions économiques, politiques ou religieuses, comme c’est le cas dans les sociétés occidentales et dans la société américaine en particulier (Porqueres i Gené 2015 : 204-205). La famille résulterait ainsi d’une « privatisation » des relations de parenté propres aux sociétés modernes. C’est ce qui explique que la famille constitue au contraire un objet reconnu en sociologie. Il est révélateur à cet égard que les sociologues ont été parmi les premiers à s’intéresser à la photographie de famille à la fois comme outil et comme objet de recherche en soi. Il faut mentionner ici l’ouvrage dirigé par Pierre Bourdieu en 1965 et issu d’enquêtes menées parmi des clubs de photographes amateurs en France au tournant des années 1960. Dans sa contribution, Pierre Bourdieu affirmait le lien étroit qui existait entre la famille et la pratique photographique, faisant de celle-ci un « rite du culte domestique dans lequel la famille est à la fois sujet et objet » (Bourdieu 1965 : 22) ou encore la « production domestique d’emblèmes domestiques » (p. 51). Plus récemment, des travaux sociologiques se sont intéressés au rôle de la photographie dans la définition de la famille (Gardner 1990) et dans la constitution de l’identité et de la mémoire familiale (Belleau 1996 ; Muxel 1996).

Enfin, on ne peut que constater la priorité donnée au langage face à l’image dans les études portant sur la parenté ou sur la notion de personne. « Parler famille » ou « parler parenté », pour reprendre des titres d’articles d’anthropologie de la parenté (Jolas, Verdier, et al. 1970 ; Meillassoux 2000), fournissent les matériaux de base à l’étude de la parenté. « Analyser la parenté pratique, écrit Florence Weber, c’est d’abord restituer les mots de chacun, les mots de l’expérience, les mots de l’interaction » (Weber 2005 : 15, repris dans Weber 2013 : 29). On pourrait multiplier les citations montrant que c’est par l’intermédiaire de la parole et de l’ « interlocution » (Théry 2007) que sont pensées les relations de parenté et la construction de la personne. Beaucoup plus rares sont les travaux s’inscrivant dans le champ de l’anthropologie de la parenté qui font place à l’image. Les travaux de Bernard Vernier sur l’île grecque de Karpathos sont une exception notable, avec la prise en compte de la photographie dans le « culte des lignées » (Vernier 1991 : 143-144) et, plus généralement, avec l’analyse comparative du rôle de la ressemblance physique, et donc du visuel dans le fonctionnement des systèmes de parenté (Vernier 1999). Il mentionne ainsi à plusieurs reprises le rôle pris très tôt par la photographie comme métaphore de la ressemblance entre parents et enfants (un ouvrage de 1868 parle des enfants comme étant « la photographie vivante de leurs parents générateurs, prise au moment de la conception », cité par Vernier 1999 : 68), tandis que, dans certains milieux, le fait de regarder une photographie à l’époque de la conception peut être perçu comme un moyen d’influer sur l’aspect physique de l’enfant (Vernier 1999 : 108).

On peut de même s’étonner que l’intérêt des anthropologues pour les formes contemporaines de la parenté et l’élargissement des enquêtes aux terrains européens ne fassent pas plus de place à la photographie de famille. L’anthropologie de la parenté ne repose plus désormais aussi exclusivement sur les sociétés anciennes ou traditionnelles dans lesquelles la photographie n’avait que peu de place : par ses terrains et ses objets, elle est pleinement ancrée dans un monde contemporain saturé d’images, en particulier photographiques. Il est révélateur par exemple qu’un ouvrage s’inscrivant dans le renouveau de l’anthropologie de la parenté puisse évoquer les relations entre la maison et la mémoire en contexte occidental sans mentionner une seule fois la photographie de famille (Carsten 2004, chap. 2).

Il semble donc qu’il existe une disjonction entre l’anthropologie de la parenté et l’anthropologie de la photographie : les recherches récentes, attestant la domestication de la photographie dans des contextes extra-européens, ne s’intéressent aucunement à l’anthropologie de la parenté ; tandis que les ouvrages relevant de cette dernière ne font aucune place à la photographie.

L’enquête de parenté, sans puis avec la photographie

Mon propre parcours en Albanie est une illustration de l’absence de la photographie de famille dans les études sur la parenté. En 1995-1996, j’ai tenté de recueillir des données sur le système de parenté en vigueur dans une région du sud-est de l’Albanie, le Devoll. Appliquant les méthodes classiques de l’anthropologie de la parenté, j’ai noté la terminologie, recueilli des dizaines de généalogies et observé à la fois l’économie des interactions quotidiennes et le déroulement des rituels familiaux. Ce travail m’a permis de situer le Devoll par rapport à d’autres régions d’Albanie en ce qui concerne la conception lignagère et la dévolution (de Rapper 2000 ; de Rapper 2012). Mon utilisation de la photographie était alors extrêmement limitée et oscillait entre la documentation et la réponse aux sollicitations locales, lorsque je mettais mon appareil au service de ceux qui n’en possédaient pas. Il m’est alors arrivé de produire de la photographie de famille sans m’interroger sur cette pratique, de même qu’il m’est arrivé de voir de la photographie de famille sans véritablement la regarder. J’avais par exemple remarqué dans la maison de mes hôtes, à Bilisht, petite ville de 8000 habitants et chef-lieu de la région, une photographie de groupe sur laquelle je les reconnaissais, au milieu d’autres personnes. Ils m’expliquèrent que chaque année, à la fin du mois de juin, la famille étendue (farefis) se réunissait dans un village voisin pour pique-niquer. La photographie que je voyais avait été prise quelques mois plus tôt à cette occasion. En juin suivant, j’accompagnais mes hôtes dans le village en question. Frères et sœurs du chef de famille, avec leurs conjoints et leurs enfants, parents, oncles et tantes, nous accompagnèrent. Un mouton, acheté vivant le matin même sur le marché, fut sacrifié et mangé((Sur la dimension religieuse de ce pique-nique familial, on peut se reporter à de Rapper 2009.)). J’étais le seul de toute la compagnie à posséder un appareil photo et je pris un certain nombre de clichés, en partie pour documenter le lieu et l’événement, en partie pour produire de la photo souvenir. L’une de ces photographies remplaça bientôt dans le hall d’entrée de la maison celle de l’année précédente (fig. 1). Deux photographies similaires furent prises successivement par deux des beaux-frères, de façon à ce que chacun figurât sur un des clichés. Cette image présente un certain nombre de caractéristiques qui en font une « photo de famille » : le groupe en question est un groupe familial, l’occasion en est une réjouissance familiale, tout le monde sourit et le cadrage est approximatif. Son usage ultérieur est aussi familial, rappelant à la fois un moment festif et l’inscription de la famille nucléaire dans un groupe de parenté plus vaste. Sa réalisation dépend cependant d’un appareil extérieur à la famille.

Figure 1. Photographie de famille à l’occasion d’un pique-nique dans un village du Devoll, juin 1996. Collection de l’auteur.

Figure 1. Photographie de famille à l’occasion d’un pique-nique dans un village du Devoll, juin 1996. Collection de l’auteur.

Je suis retourné dans ces mêmes régions à partir de 2008, cette fois avec pour objectif de collecter des photographies de famille. Que ce soit dans les familles auprès desquelles j’avais déjà enquêté ou dans d’autres dont je faisais la connaissance, il est apparu rapidement que toutes conservaient des photographies et qu’il suffisait de demander pour pouvoir les regarder. Je fus ainsi surpris de découvrir, dans cette même famille de Bilisht, une photographie de groupe datée de 1967 et prise, elle aussi, à l’occasion de festivités dans un village de la région (fig. 2). Il s’agissait alors d’une cérémonie officielle de l’époque communiste, commémorant chaque année, au mois d’août, la création d’une unité de partisans pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais j’appris que ce cadre officiel avait été détourné pour des raisons familiales : le groupe posant pour le photographe (il s’agissait alors d’un photographe employé par l’État, dit « de service public((Sur la photographie « de service public », voir de Rapper, Durand 2017.)) ») était composé de membres d’une même famille étendue venus rencontrer une autre famille dans la perspective de conclure des fiançailles. C’était, me dit-on, la première fois que les deux parties se rencontraient et se présentaient mutuellement les conjoints potentiels. En cas de désaccord, chaque groupe se fondrait dans la foule et personne, dans l’entourage des familles, ne saurait que des fiançailles avaient été tentées et avaient échoué. La photographie conservée de ce moment présente des similarités avec celle du pique-nique de 1996 : les plus âgés occupent une position centrale, les plus jeunes sont allongés sur le sol au premier plan, tandis que la génération intermédiaire se tient à l’arrière-plan et sur les côtés. En l’occurrence, au moins une des jeunes filles au premier plan sur la photographie de 1967 figure sur celle de 1995, debout sur un côté.

Figure 2. Photographie de famille à l’occasion d’une cérémonie officielle dans un village du Devoll, août 1963. Avec l’aimable autorisation de la famille Pysqyli, Bilisht.

Figure 2. Photographie de famille à l’occasion d’une cérémonie officielle dans un village du Devoll, août 1963. Avec l’aimable autorisation de la famille Pysqyli, Bilisht.

Le recours à l’image a bien sûr apporté des inflexions à la façon dont je saisissais et comprenais les relations de parenté. Deux points méritent d’être soulignés ici. La photographie a d’abord eu pour résultat de replacer le communisme dans l’expérience de mes interlocuteurs. Alors que la méthode généalogique a, par définition, tendance à tirer le récit familial vers les origines et vers un passé mal documenté, les photographies, pour la plupart réalisées pendant la période communiste, contribuent à provoquer un discours sur cette période, tantôt sous le mode nostalgique, tantôt sous celui de la critique. Ces images rendent aussi visibles la dimension matérielle de l’existence sous le communisme et les relations de pouvoir qui traversaient la société. Si la représentation de la pauvreté était bannie des médias officiels, la photographie de famille ne parvenait pas à l’éviter complètement, même si chacun faisait son possible pour se mettre en valeur. Certaines images sont vues aujourd’hui comme témoignant des difficiles conditions d’existence sous le communisme, comme c’est le cas pour ce groupe d’enfants aux pieds nus (fig. 3).

Figure 3. Groupe d’enfants d’un village du Devoll, 1957. Avec l’aimable autorisation de la famille Shehu, Cangonj.

Figure 3. Groupe d’enfants d’un village du Devoll, 1957. Avec l’aimable autorisation de la famille Shehu, Cangonj.

Bien souvent, les commentaires actuels portent sur les distinctions qui existaient dans une société officiellement « sans classes ». Une photographie prise dans les années 1980 à l’occasion des réjouissances champêtres qui suivaient la cérémonie officielle du 1er mai, dans la région de Korçë, en fournit un exemple (fig. 4). Par leur vêtement et par leur allure, les convives sont aujourd’hui immédiatement identifiés comme appartenant à la classe dirigeante locale.

Figure 4. Groupe familial lors d’un pique-nique du 1er mai, vers 1980, région de Korçë. Photographie de Mihal Vithkuqi, avec l’aimable autorisation de la famille Vithkuqi, Korçë.

Figure 4. Groupe familial lors d’un pique-nique du 1er mai, vers 1980, région de Korçë. Photographie de Mihal Vithkuqi, avec l’aimable autorisation de la famille Vithkuqi, Korçë.

En deuxième lieu, l’approche par la photographie posait la question de la signification des groupes de parenté. En effet, bien souvent, ce qui apparaissait sur les photographies était moins des groupes de parents que des individus engagés dans des activités extra-familiales. Ainsi, là encore, l’image des groupes de parenté était bien différente de celle donnée par la méthode généalogique. Contrairement à ce que cette dernière laissait supposer, les familles et les lignages ne fonctionnaient pas seulement en tant que tels, ils étaient ouverts à d’autres modes d’appartenance et à d’autres pratiques de la part des individus. Les images représentant des membres de la famille au sein de groupes professionnels ou engagés dans des activités culturelles sont ainsi souvent plus nombreuses que celles des groupes familiaux.

Figure 5. Brigade d’une coopérative agricole posant avec son drapeau, vers 1980, Devoll. Avec l’aimable autorisation de la famille Xeka, Qytezë.

Figure 5. Brigade d’une coopérative agricole posant avec son drapeau, vers 1980, Devoll. Avec l’aimable autorisation de la famille Xeka, Qytezë.

La figure 5 montre une brigade dans une coopérative agricole du sud-est de l’Albanie, dans les années 1980, à l’occasion de la remise d’une récompense. Si ces unités de base du travail agricole rassemblaient souvent plusieurs familles, ce n’est jamais en tant que groupes familiaux qu’elles étaient représentées.

La figure 6, dont j’ai retrouvé plusieurs copies dans plusieurs familles des villages rassemblés à l’époque dans une même coopérative, a été prise lors d’un festival de folklore de niveau local.

Figure 6. Danseuses du Devoll dans un festival folklorique à Korçë, vers 1985. Avec l'aimable autorisation de la famille Xeka, Qytezë.

Elle a été réalisée par un photographe de service public commissionné par les autorités locales qui en ont ensuite distribué des copies aux participants. Encore fois, des photographies réalisées en dehors de la famille, par un photographe extérieur à la famille et montrant des activités extra-familiales n’en prennent pas moins une valeur familiale qu’elles conservent jusqu’à aujourd’hui. Il faut préciser cependant que par certains aspects, la photographie de famille s’accordait au modèle généalogique, par exemple en ce qui concerne la transmission des fonds photographiques familiaux, qui suit le mode de perpétuation des groupes domestiques. Ainsi les filles emportent-elles une part du stock familial à leur mariage, tandis que les garçons peuvent attendre la mort des parents pour procéder au partage.

L’étude de la photographie de famille en Albanie, avec ses caractéristiques liées au contexte politique de l’époque communiste, soulève des questions de définition et de comparaison. Alors que la photographie de famille est perçue et étudiée avant tout comme un phénomène occidental (ou « euro-américain »), il apparaît qu’elle existe aussi dans d’autres contextes, notamment, en ce qui nous concerne ici, dans le monde soviétique et dans les pays du pourtour méditerranéen, qui, sans pouvoir être dissociés du cas occidental, présentent des particularités dans l’accès à la photographie et dans la définition du « photographiable ». Elle n’y est donc pas toujours désignée en tant que telle et, dans son fonctionnement comme dans ses usages, ne correspond pas toujours à ce qui a été observé dans les pays occidentaux. Dans le cas albanais, l’expression « photographie de famille » est comprise, mais n’est pas la plus usitée : on parle plus volontiers des « photographies de la maison » (fotografitë e shpisë), c’est-à-dire des photographies conservées à la maison. Cette désignation est intéressante dans la mesure où elle met l’accent sur l’usage ou la destination de ces images plus que sur leur mode de production (« de la maison » ne signifie pas qu’elles sont réalisées dans le cadre domestique, comme c’est le cas pour la majorité de la photographie de famille occidentale) ou leur contenu (la maison elle-même étant rarement représentée, tout comme la famille en tant que groupe). Les photographies de la maison sont celles qui sont conservées à la maison et qui contribuent à constituer la mémoire de la maison. Cela invite dès lors à s’interroger sur le statut de la « maison » et sur les relations qu’elle entretient avec la famille, comme l’a fait par exemple Gerda Dalipaj dans un article sur la notion de « maison » dans l’ethnologie albanaise de la période communiste (Dalipaj 2013). Le cas albanais invite aussi à relativiser les caractérisations « culturelles » de la photographie. Si l’influence soviétique se fait sentir dans la production photographique de l’époque communiste, elle ne suffit pas à la caractériser, car elle coexiste avec d’autres influences, parfois plus anciennes : il faut par exemple tenir compte de la présence de photographes italiens dans les villes albanaises jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, ou encore de la formation de photographes albanais en activité pendant la période communiste à Istanbul ou en Grèce. Au-delà du cas albanais, la Méditerranée peut constituer un laboratoire pour l’étude de l’émergence de la photographie de famille dans des milieux variés, mais en interaction. À cet égard, il peut sembler opportun de rapporter la photographie de famille aux effets de l’urbanisation et de la modernisation, à ceux de la décolonisation, du communisme et du postcommunisme ou encore à ceux de la transition démographique dans la mesure où ces phénomènes affectent les pratiques, les imaginaires et les normes de la parenté.

Il apparaît donc important de replacer toute manifestation d’un usage familial de la photographie dans son « contexte » ou, plus précisément, dans l’ensemble des conditions techniques, économiques, politiques et idéologiques qui rendent possible l’émergence de ce type de photographies. On peut penser ici à l’application, pour la photographie de famille, de notions comme celles de « complexe de la photographie » (Hevia 2009) ou de « champ photographique » (Carabott, Hamilakis, et al. 2015) proposées récemment pour rendre compte de l’enchevêtrement de facteurs et d’agents qui explique l’apparition de certaines photographies à un certain moment.

État de la recherche

Comme le remarquait Gillian Rose il y a quelques années dans un des rares ouvrages sur la photographie de famille, le contraste est frappant entre l’omniprésence de la photographie de famille dans le monde contemporain et le faible intérêt de la recherche pour les images et pratiques familiales de la photographie (Rose 2010 : 2). De fait, il est difficile aujourd’hui encore de trouver dans la littérature existante un bilan de la façon dont les sciences sociales se sont saisies de cet objet, de même qu’on chercherait en vain une « méthode » pour l’appréhender. La plupart des manuels et ouvrages généraux sur les études visuelles ignorent la photographie de famille ou la mentionnent rapidement. Douglas Harper, par exemple, n’y fait référence que dans la conclusion de sa Visual Sociology (Harper 2012 : 243) et Marcus Banks et David Zeitlyn n’y font que quelques allusions dans un chapitre de Visual Methods in Social Research portant sur la « material vision » pour « alerter le chercheur sur la prise en compte de leur matérialité » (Banks, Zeitlyn 2015 : 56). Ils s’arrêtent sur la façon dont, dans différentes sociétés, la photographie est utilisée « pour se souvenir des morts et pour mettre en scène les vivants » (57) et mentionnent le rôle des photographies de famille dans les « échanges » (57). En langue française, le manuel de sociologie visuelle de Sylvain Maresca et Michaël Meyer n’y accorde pas plus d’attention (Maresca, Meyer 2013). De son côté, l’histoire de la photographie tarde à en faire un objet particulier. Si la revue La recherche photographique a publié dès 1990 un numéro spécial sur la famille (Rouillé 1990a), la Nouvelle histoire de la photographie dirigée par Michel Frizot quelques années plus tard ne lui accorde aucun chapitre (Frizot 1994). Plus récemment, l’émergence de la catégorie de « photographie vernaculaire » s’est accompagnée d’une reconnaissance de l’importance de la photographie de famille, sans réflexion cependant sur la définition ou sur les fonctions d’une telle photographie (Batchen 2000 ; Chéroux 2013).

Un examen de la bibliographie fait d’abord apparaître l’hétérogénéité des approches théoriques et méthodologiques. La photographie de famille a été abordée de plusieurs points de vue disciplinaires et, en dehors des travaux qui la prennent pour objet, elle a été utilisée comme source (documentant par exemple les relations familiales, les rituels ou les costumes, voir Segalen 1972) et comme outil (notamment comme support d’entretien dans la photo elicitation)((L’anglais photo elicitation désigne la méthode qui consiste à utiliser des photographies pour libérer la parole des interlocuteurs, qu’il s’agisse de leurs propres photographies ou, plus fréquemment, de photographies apportées et présentées par l’enquêteur. La méthode en est notamment détaillée dans Collier, Collier 1986 : 99-115 et dans Harper 2012 : 155-187.)). Il semble aussi qu’elle favorise le brouillage et la perméabilité des limites disciplinaires ou entre sciences sociales et art. Parmi les ouvrages de référence sur la photographie de famille, certains relèvent à la fois de l’histoire de l’art et de la psychanalyse (Hirsch 1997), de l’histoire de l’art et de la sociologie (Hirsch 1981), de la muséographie et de l’anthropologie (Langford 2001), de la géographie, de la sociologie et de l’anthropologie (Rose 2010), tandis que d’autres illustrent la perméabilité entre recherche et art, en particulier la littérature (Garat 2011; Mary 1993).

Dans ces conditions, il semble illusoire de vouloir parvenir à une définition simple et universellement valable de la photographie de famille. L’expression elle-même semble être, en français, beaucoup plus récente que celle d’ « album de famille » dont elle dérive et qui apparaît dès les années 1890 (Frizot 1994 : 679). La destination première de ces images était donc l’album, « objet de communication particulier (…) destiné à la présentation, au rangement, à la conservation de photographies que l’on a faites soi-même ». La catégorie de « photographie de famille » correspond sans doute à la massification de la pratique photographique dans les années 1960. Certains des interlocuteurs de l’équipe de Pierre Bourdieu l’emploient en 1960 (Bourdieu 1965 : 53).

Tout comme la question « Qu’est-ce que la photographie ? » ne peut recevoir que des réponses multiples (Chéroux, Ziebinska-Lewandowska 2015), la photographie de famille peut être abordée, et partiellement définie, à partir d’au moins trois points de vue : celui des images, celui de l’acte photographique et celui des usages.

On peut d’abord s’intéresser à ce que la photographie de famille donne à voir, c’est-à-dire au contenu des images. On dira alors, avec André Rouillé dans son introduction au numéro de La recherche photographique consacré à la famille, « qu’elle a trait à la vie familiale : à ses acteurs, son cadre, ses objets » (Rouillé 1990b : 3). À partir de là, il peut être intéressant d’analyser la composition des images, les thèmes et les motifs qui rendent la photographie de famille reconnaissable. Pour le monde occidental, un ouvrage désormais classique identifie ainsi trois images fondamentales de la famille comme institution, transmises par la photographie : celle de la famille comme unité économique fondée sur la propriété, celle d’une unité spirituelle défendant des valeurs morales et celle d’un berceau d’amour et de liens affectifs (Hirsch 1981 : 15). André Rouillé décrit de même les images les plus courantes de la photographie de famille occidentale : celle-ci « se distribue à l’intérieur d’un éventail thématique assez restreint », et offre une production « polarisée par l’enfant, les fêtes rituelles (…), les activités de loisirs, les lieux familiers (…), quelques objets quotidiens (…) et les animaux domestiques » (Rouillé 2005 : 244). Cette approche par le contenu de l’image a permis d’identifier un tournant dans la représentation de l’enfant, vers le milieu du xxe siècle : d’emblèmes de la famille (en tant qu’héritiers), les enfants sont de plus en plus représentés comme emblèmes de la maternité (Belleau 1996) ; ou, en d’autres termes, d’emblèmes du statut social de la famille, ils deviennent des emblèmes de l’amour et de l’harmonie qui sont censés caractériser les relations familiales (Jonas 1991). Il faut noter que, pour les périodes les plus anciennes, cette approche est souvent la seule possible : lorsque les photographies et les albums sont sortis de leur cadre familial d’origine, leur contenu iconographique est le principal matériau sur lequel la recherche peut s’appuyer. La tendance dans ce cas est de les considérer comme des signes qu’il est possible de lire pour reconstituer un discours, une narration familiale. L’ouvrage de Martha Langford est un bon exemple de cette démarche (Langford 2001) tandis que celui d’Anne-Marie Garat illustre comment la littérature a pu suppléer les récits qui manquent aux photos trouvées (Garat 2011). Dans certains cas, les photographies sont accompagnées d’autres documents (correspondance, journaux intimes) qui permettent d’orienter leur lecture. L’article d’Ece Zerman dans ce numéro en est un exemple. À force d’identifier la photographie de famille à des motifs familiaux conventionnels (du moins pour le monde occidental), on risque cependant d’en exclure des images qui, par leur mode de réalisation ou leurs usages, peuvent s’y rattacher. Ainsi, alors qu’il est généralement admis que la sphère du travail est exclue de la photographie de famille occidentale (Rouillé 2005 : 243 ; Rose 2010 : 13), elle peut occuper une position centrale dans d’autres contextes, comme c’est le cas par exemple pour l’Albanie communiste.

On peut aussi considérer les pratiques et le mode opératoire de la photographie de famille. On la définira alors par la relation que le photographe entretient avec les sujets photographiés comme avec les processus techniques qu’il maîtrise plus ou moins (Rouillé 2005 : 240-241). La photographie de famille rejoint ici la photographie amateur et il n’est pas anodin que la première étude sociologique consacrée à la photographie amateur, celle dirigée par Pierre Bourdieu, soit aussi lue comme la première étude de la photographie de famille. Dans l’ouvrage de Richard Chalfen sur les États-Unis, le propos oscille de même entre les catégories de photographie amateur et de photographie de famille (Chalfen 1987). L’approche par les pratiques n’en reste pas moins d’un grand intérêt. Elle invite à préciser la manière dont la photographie s’articule aux rituels familiaux et dont elle constitue elle-même un « rite domestique », pour reprendre l’expression de Pierre Bourdieu. Il est aussi important de savoir qui, au sein de la famille, prend en charge les pratiques photographiques. Dans le monde occidental d’avant le passage au numérique, le père est généralement perçu comme celui qui fait les photos, tandis que la mère est en charge de l’album. Plus important encore, certains auteurs mettent en avant l’acte photographique lui-même, indépendamment, pour ainsi dire, de l’image qui en résulte. Serge Tisseron remarque ainsi que, sur les milliards de photographies prises dans le monde à l’époque de l’argentique, seule une partie est véritablement développée et tirée (Tisseron 1996 : 10). Il en conclut que « [les] photographies qui ont été prises n’ont pas besoin d’être regardées ni même développées. La prise de vue a contribué à elle seule à donner à l’événement un caractère d’exception et à celui qui a photographié une place privilégiée au sein de l’événement » (p. 14). Ainsi, prendre une photographie de sa famille est une façon de réaliser une relation familiale et la photographie n’a pas besoin d’être développée ou tirée pour que ce résultat soit atteint. En conséquence, puisque « [la] signification de la pratique photographique est à chercher en elle-même avant de l’être dans les images qu’elle produit et dans les usages sociaux qu’elle alimente » (p. 15), l’observation doit porter sur l’acte photographique dans ses opérations successives, dans ses contraintes et ses choix techniques. L’article de Marie-Hélène Sauner dans ce numéro montre de même l’importance de la photographie de naissance telle qu’elle est pratiquée à Istanbul comme un rite participant à la constitution de nouveaux liens familiaux. On retrouve ce type d’approche, appliquée hors de l’univers familial, dans les travaux d’Ariella Azoulay visant à mettre en avant « l’événement photographique » (the event of photography) comme pouvant se produire alors même qu’aucune photo n’est prise (Azoulay 2012 : 26-27).

On peut enfin s’intéresser aux usages et aux effets de la photographie de famille. Ce qui compte est alors la destination des images et des pratiques photographiques ainsi que leurs effets, notamment sur les relations familiales, la mémoire et l’identité. La photographie de famille est ainsi définie par le traitement des images dans la sphère domestique, indépendamment de leur contenu ou de leur origine. La famille est une « consommatrice » d’images : celles-ci sont conservées, mises en albums, échangées, envoyées, regardées, commentées, mutilées, détruites ou encore sortent de la sphère domestique pour entrer dans l’espace public. Le concept d’« économie visuelle », introduit par Deborah Poole à propos de la circulation des images et des modèles visuels entre les Andes et l’Europe (Poole 1997), constitue ici un outil théorique important. En mettant l’accent sur la circulation des images et sur la valeur que celles-ci acquièrent dans les différents contextes de leur réception, le concept d’économie visuelle permet de pousser plus loin l’analyse en terme de social life (Kopytoff 1986) qui, comme le remarque Elizabeth Edwards, ne rend pas compte de la spécificité de l’objet photographique, et notamment de sa reproductibilité (Edwards 2012 : 223). L’étude de Gillian Rose sur la photographie de famille dans l’Angleterre contemporaine et sur la façon dont les images circulent entre l’intime et le public constitue une des principales applications de la notion d’économie visuelle à la photographie de famille (Rose 2010, chap. 5). L’étude de la constitution, de l’usage et de la transmission des albums de famille relève de cette approche, mais les sujets sont nombreux, comme en témoignent plusieurs des articles de ce numéro : réception et valeur changeantes des mêmes photographies de groupes ou de rituels familiaux selon les contextes (Robert Pichler) ; utilisation des photographies comme support du récit familial, mais aussi comme éléments matériels de la mise en scène de l’espace domestique (Miltiadis Zerboulis) ; dévalorisation et mutilation des photographies et des albums en contexte totalitaire (Jolka Nathanaili-Penotet). Ces différentes approches font apparaître au moins trois questions théoriques posées par la photographie de famille que, pour terminer, je présente rapidement sous forme de chantiers ouverts à plus ample exploration.

Perspectives

La première question est celle de la relation entre photographie de famille, récit et mémoire. Parce qu’elle est très communément perçue comme une preuve matérielle de l’existence du passé, la photographie entretient un lien fort avec la mémoire. « Avec les objets et les photographies, écrit la sociologue Anne Muxel dans son ouvrage sur la mémoire familiale, c’est la part visible de l’iceberg de la mémoire qui est montrée. Par eux, la mémoire familiale devient concrète, préhensible, partageable. En raison de leur matérialité, ils offrent enfin la possibilité d’une médiation directe avec le passé » (Muxel 1996 : 149). Il n’est pas anodin qu’un des livres les plus influents et les plus commentés sur la photographie, La chambre claire de Roland Barthes, soit bâti sur une exploration de photographies de famille de l’auteur, en particulier sur les images de sa mère (Barthes 1980). La photographie participe ainsi aux trois fonctions de la mémoire familiale identifiées par Anne Muxel : fonction de transmission, en proposant un récit de l’histoire familiale qui inscrit celle-ci dans la temporalité et dans la continuité ; fonction de reviviscence, en permettant à chacun de rappeler un vécu personnel et des expériences affectives ; fonction de réflexivité, « tournée vers une évaluation critique de sa destinée » (Muxel 1996 : 13). Plus spécifiquement, la photographie permet d’abord à chacun de s’identifier et de se différencier au sein d’un jeu de regards ; elle établit des ressemblances, rend visible des filiations et des origines, comme le montrent aussi les travaux de Bernard Vernier. Elle montre à la fois l’appartenance à une famille et la position de cette famille dans la société. Mais elle peut aussi faire apparaître des différences, des fractures, des divisions au sein du groupe familial. Elle peut alors servir l’expression d’une identité personnelle distincte de l’identité familiale. En deuxième lieu, la photographie permet la construction d’un récit familial, avec notamment la mise en ordre que constitue l’album (qui implique un classement, un tri et une sélection).

Dans tous les cas cependant, les images elles-mêmes ne suffisent pas à exercer ces fonctions mémorielles : elles ont besoin de la parole ; ce qui compte est leur pouvoir d’évocation et les interprétations qu’elles suscitent (Muxel 1996 : 169). De là le paradoxe des photographies de famille, produits et productrices d’expériences intimes et personnelles, qui tombent dans l’anonymat dès lors qu’elles sortent du cadre familial dans lequel elles peuvent être interprétées : « Plus que tout autre, la photographie de famille perd très vite son sens, tout sens. Coupée de ses amarres familiales, elle ne signifie plus rien, elle passe » (Buisine 1990 : 58). Les fonctions mémorielles de la photographie de famille ont donné lieu à des travaux sur leur matérialité et leur emplacement dans l’univers domestique (Parrott 2007), sur leur relation à la mort et au deuil (Jonas 2010), sur l’articulation entre mémoire familiale et mémoire collective (Dornier-Agbodjan 2007) ainsi que sur la notion de « post-mémoire » (postmemory), mémoire médiatisée par un discours ou des images transmis par la génération précédente (Hirsch 1997 : 22), autant de thèmes qui, élaborés à partir de terrains occidentaux, mériteraient d’être discutés dans d’autres contextes, comme le montre par exemple Christopher Wright à propos de l’utilisation de photographies dans le culte des ancêtres aux Îles Salomon (Wright 2013). L’article de Miltiadis Zerboulis et celui de Jolka Nathanaili-Penotet explorent ici les relations entre les mots, les gestes et les images et replacent ainsi la photographie de famille dans les débats sur la spécificité de l’image par rapport au texte et sur l’efficacité des images : la photographie est-elle un langage, peut-elle être déchiffrée comme telle ? Les photographies de famille sont-elles dotées d’une efficacité, d’une agentivité ?

La deuxième question est celle de la photographie de famille comme lieu de l’articulation entre l’individuel et le collectif ou entre l’intime et le politique. Il a souvent été remarqué que les photographies de familles, perçues comme expressions d’histoires familiales ou individuelles, donc relevant de l’intime, étaient aussi immédiatement reconnaissables par leur uniformité et leur caractère conventionnel : elles sont tout autant l’expression de valeurs collectives sur ce que la famille doit être. Le balancement entre les « régularités objectives des conduites » et « l’expérience vécue de ces conduites » est au cœur de l’essai de Pierre Bourdieu qui ouvre Un art moyen (Bourdieu 1965). Gillian Rose insiste pour sa part sur le fait que l’uniformité ne relève pas que des caractères « objectifs » échappant à la conscience des acteurs : ceux-ci sont tout autant conscients du caractère unique et individuel de leurs images que de ce qu’elles ont de commun et de partagé. C’est ce caractère générique qui permet à la photographie de famille de recevoir une signification au-delà du cercle intime dans lequel elle est produite (Rose 2010 : 87). Plusieurs auteurs se sont ainsi penchés sur les relations entre récits individuels et récits collectifs dont la photographie de famille peut être porteuse. Mary Bouquet parle ainsi d’« incorporation de la monarchie » lorsque des portraits du roi et de la reine des Pays-Bas sont insérés dans les albums de famille pour témoigner de la loyauté de la famille (Bouquet 2000 : 8). Dans ce cas comme dans d’autres, la photographie de famille est, selon elle, « à l’interface entre la famille et l’État-nation » (Bouquet 2000 : 6). De tels exemples sont attestés en France dès la seconde moitié du xixe siècle (Rouillé 1982). À un autre niveau, Anne-Marie Garat considère, pour la France du début du xxe siècle, l’album de famille comme « un système de représentation qui confère à la mémoire de la famille la même dignité qu’à la mémoire collective » (Garat 2011 : 30). Cela invite à se pencher sur les relations qui peuvent exister entre les moments de cristallisation des identités collectives (nationalisme, révolutions) et leurs répercussions dans les photographies de famille. C’est ce que fait, par exemple, Karen Strassler, auteur d’une ethnographie de la « photographie populaire » à Java, en montrant comment, en Indonésie, la photographie de famille contribue aussi à former des subjectivités politiques (Strassler 2010). La nation n’est cependant pas le seul arrière-plan collectif dans lequel s’insèrent les récits familiaux. En Albanie communiste, le nationalisme n’est qu’un des discours auxquels s’articulent les récits familiaux : ceux-ci sont aussi formés en référence au socialisme et à l’image de la « famille socialiste », une famille nucléaire caractérisée par l’égalité entre homme et femme et ouverte sur la société. À tel point qu’il est parfois difficile d’isoler le personnel du collectif dans les représentations visuelles. Pour Cristina Cuevas-Wolf, qui examine des albums photographiques produits par des amateurs en Allemagne de l’Est, la photographie est à la fois instrument de pouvoir, bien de consommation et moyen d’expression personnelle (Cuevas-Wolf 2014 : 52) : ces albums constituent un exemple de l’entrelacement de la mémoire individuelle et de la mémoire collective. Marianne Hirsch s’appuie sur la distinction (inspirée de Jacques Lacan) entre « gaze » et « look » pour rendre compte de la présence simultanée du niveau individuel et du niveau collectif dans la photographie de famille. Pour elle, le « familial gaze » est fondé sur la construction idéologique et mythologique de la famille : c’est l’image de la famille telle qu’elle devrait être, ou telle que nous la voulons. Il est en ce sens conventionnel et monolithique (Hirsch 1997 : 8). Le « familial look » est au contraire formé par les regards échangés au sein de la famille : il est localisé, mutuel et traversé par le désir et le manque (Hirsch 1997 : 11). Une telle approche permet de comprendre comment valeurs collectives et émotions personnelles coexistent dans la photographie de famille et comment les unes et les autres participent à la constitution de la famille. Ce qui nous conduit à la dernière question.

La troisième question est en effet celle de la relation entre ce que donne à voir la photographie de famille et son référent, c’est-à-dire telle ou telle famille. Dans quelle mesure la photographie de famille dit-elle quelque chose des familles particulières, dans quelle mesure est-elle au contraire la manifestation d’une idéologie ? De quoi, finalement, est-elle le reflet ou l’image ? Il serait bien sûr naïf de penser qu’elle fournit une image fidèle ou objective de l’histoire d’une famille : la photographie n’est pas un instrument neutre et transparent d’enregistrement de la réalité et cela vaut aussi pour la photographie de famille. L’album de famille, en particulier, est une sélection (changeante) de gens, de lieux et d’événements qui se rapportent à la famille. D’autres sont exclus de l’album et, plus généralement, du domaine du « photographiable ». Le caractère conventionnel ou obligé de la plupart des photographies de famille, même après l’abandon de la pose, est largement attesté et témoigne, pour reprendre les termes de Marianne Hirsch, des effets de l’idéologie et de la mythologie familiales. Les transformations dans les représentations de l’enfant, par exemple, peuvent être mises en relation avec un changement idéologique sur le rôle et le statut des enfants dans la famille et dans la société ou sur le rôle fondamental des liens affectifs (voir Jonas 1991). De la même manière, la position de Susan Sontag, dans les années 1970, était que le développement de la photographie de famille répondait à la disparition de la famille étendue : « La photographie devient un rite de la vie familiale au moment précis où, dans les pays d’Europe et d’Amérique qui s’industrialisent, on taille dans le vif de cette institution. (…) L’album de famille a en général pour sujet la famille au sens large, et représente souvent tout ce qu’il en reste » (Sontag 2008 [1979] : 23). La photographie de famille serait donc apparue en réaction à la disparition de la famille traditionnelle, comme expression d’un attachement idéologique à des formes relationnelles en voie de disparition. On aurait ainsi un rapport, par l’intermédiaire de l’idéologie, entre une transformation de la structure de la société et un genre photographique. Mais peut-on considérer que la photographie reflète de manière directe une certaine idéologie, qu’elle en est une expression directe ? Les choses sont sans doute plus complexes et il faut tenir compte à la fois des multiples facteurs qui rendent possibles l’émergence d’un certain type de photographie ou d’un ensemble de photographies données (comme y invite James Hevia en proposant le concept de « complexe photographique », Hevia 2009) et du fait que la photographie est aussi productrice d’imaginaires et d’idéologies. Christopher Wright, à propos de la photographie coloniale, nous engage ainsi à voir dans la photographie « une force qui produit certains types de sujets et de formations sociales, ainsi que d’entières constellations d’imaginaires et de réseaux de toutes sortes » (Wright 2013 : 12) et il nous met en garde contre les approches pour lesquelles « les images photographiques sont uniquement vues comme reflétant, de manière simple, les préoccupations et les positions politiques de ceux qui les ont réalisées » (Wright 2013), alors qu’il faut tenir compte aussi de la façon dont ces images ont circulé et ont été reçues et interprétées. Ces considérations à propos de la photographie coloniale peuvent être utiles à l’examen de la photographie de famille : elles invitent à voir le rapport entre la photographie de famille et les relations ou les idéologies familiales comme étant fait de complexité, raison pour laquelle il faut l’aborder de manière plurielle, à la fois en tant qu’image, comme acte et dans ses usages.

Mary Bouquet apporte une réponse à cette question en suggérant de « considérer dans quelle mesure la famille et la parenté sont réellement constituées par la photographie et à travers elle » (Bouquet 2000 : 8), ce qui est bien différent, ajoute-t-elle, que de voir en elle un simple enregistrement de relations généalogiques déjà données : « la photographie de famille a été et demeure profondément impliquée dans la constitution de la parenté à travers les images cohérentes qu’elle produit » (Bouquet 2000 : 9). Elle suggère ainsi que la photographie de famille ne se limite pas à donner une image de familles existantes, mais qu’elle joue un rôle dans leur venue à l’existence. C’est aussi la position de Fiona Parrott qui écrit, dans son article sur la « condition matérielle de la mémoire » dans l’Angleterre contemporaine, que « en dépit de l’idée que nous nous faisons de la capacité qu’ont les photographies à matérialiser ou à enregistrer l’expérience, (…) elles contribuent à aider l’individu à construire une vision normative de ce que devraient être sa famille et ses relations avec autrui ». Les photographies feraient ainsi « coïncider notre famille réelle et nos conceptions de la famille grâce à leur capacité à figer un individu dans des poses et des cadres appropriés, processus facilité par les activités de tri, de sélection et d’exposition » (Parrott 2007 : 310). Plus largement, cette interrogation rejoint deux questions posées par le rapport entre photographie et société : dans quelle mesure la photographie donne-t-elle à voir de la « structure », c’est-à-dire des relations invisibles et inconscientes sur lesquelles repose le fonctionnement de la société ? Dans quelle mesure reflète-t-elle des « cultures » particulières ou demeure-t-elle, au contraire, déterminée par sa « nature » en tant que technique reposant partout et toujours sur les mêmes principes de formation d’une image sur une surface photosensible ?

La formulation de ces trois questions théoriques s’appuie sur des travaux portant, d’un côté, sur les sociétés occidentales – observées avant tout par les sociologues – et, de l’autre, sur des sociétés lointaines. Entre les deux, la Méditerranée constitue un espace encore relativement peu exploré. Les articles qui suivent sont autant de propositions pour faire de la photographie de famille un objet de recherche dans l’espace de la Méditerranée.

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Gilles de Rapper
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