Nicolas Jaoul
Corinne Fortier

Nicolas Jaoul

Bariz (Paris), le temps des campements : filmer la lutte des migrants. Entretien de Nicolas Jaoul par Corinne Fortier

Anthropologue et réalisateur, CNRS-IRIS, Paris
DOI : https://doi.org/10.34847/nkl.3adf641x
Photo de tournage de Bariz (Paris), le temps des campements (2020, 70 mns, Iskra Productions et EHESS).

Photo de tournage de Bariz (Paris), le temps des campements (2020, 70 mns, Iskra Productions et EHESS).

Pourquoi filmer la lutte des migrants après celle des dalits ou « intouchables » en Inde, et quel est leur lien ? 

Mon film sur les Dalit Panthers((Sangharsh, le temps de la lutte, 2018, 105 minutes, Sister Productions et EHESS.)) avait été tourné pendant mon enquête de thèse entre 1997 et 2001, mais je l’avais laissé provisoirement de côté et je n’ai repris le projet qu’en 2015, avec un stage d’écriture documentaire aux ateliers Varan, afin de le réactualiser. Or, c’est durant 2015 qu’un campement de migrants a progressivement grossi sous le métro aérien à la station La Chapelle, à 200 mètres de chez moi. J’avais préparé un sac de vêtements à donner mais j’appréhendais cette rencontre même si je la désirais et je repoussais le moment de franchir cette frontière qui me séparait de ces nouveaux habitants du quartier. Le 2 juin, j’ai appris par la radio que le campement avait été « évacué », ce qui dans le jargon administratif signifie un mélange de présence policière et de solutions d’hébergement avec la présence de grosses associations partenaires de l’État, pour permettre la dispersion en évitant la violence physique.

J’ai regretté d’avoir hésité trop longtemps pour rencontrer ces personnes. Mais le surlendemain, en début de soirée, j’ai entendu des cris et j’ai aperçu par ma fenêtre des migrants entourés de militants qui cherchaient à entrer dans l’église Saint Bernard, ce dont ils ont été empêchés par un gros déploiement de CRS. Je suis alors immédiatement descendu muni de mon petit appareil photo numérique compact que j’ai mis en mode vidéo pour la première fois (je n’avais quasiment jamais refilmé depuis l’Inde) afin de filmer cette situation incroyable. J’ai tout de suite pensé à l’histoire de l’église Saint Bernard, où des sans-papiers en lutte avaient trouvé refuge en 1996. C’est à ce moment-là que j’ai parlé avec des migrants et des personnes du quartier, avec qui nous avons organisé une collecte au porte-à-porte de nourriture, de matelas et couvertures afin qu’ils puissent passer la nuit dans le square. Des voisins m’ont demandé d’héberger une mère érythréenne et sa petite fille qui avait un bras dans le plâtre. Dès le lendemain, elles sont parties pour Calais. C’était la première fois que j’hébergeais des personnes sans abri et cette rencontre m’a beaucoup touchée. À 13 heures, les migrants ont été expulsés par la force, ce que j’ai également filmé en choisissant de rentrer avec eux dans le square, pour leur témoigner ma solidarité. Ces scènes contiennent ma première approche et sont chargées de toutes les émotions et la révolte que j’ai pu ressentir face à ce mélange détonnant de détresse et de violences. L’injustice criante se déroulant littéralement en bas de chez moi d’un coup me plaçait en opposition concrète avec une violation du droit et de la dignité humaine, dont j’étais le témoin direct.

Concernant le lien avec mon travail sur les dalits, je l’ai fait immédiatement. En Inde, le mouvement dalit se bat pour faire reconnaitre des droits inscrits dans la Constitution et pour faire appliquer des lois et des mesures légales, comme la loi contre les violences de caste et pour le respect des droits civils. À travers ces luttes, c’est une idéologie castéiste, illégale mais fortement enracinée dans la société et la religion hindoue, qui est visée afin de permettre la réalisation des idéaux démocratiques. Or, le castéisme opère également au niveau officiel, du fait de la domination des élites traditionnelles dans la fonction publique.

En France, avec la question de l’immigration, c’est une forme de racisme liée au passé colonial qui continue à opérer dans nombre de discours publics, dans les lois visant la régulation de l’immigration et dans les pratiques de l’administration, de la police, voire de manière plus hypocrite, de certaines associations collaborant avec les pouvoirs publics. Spontanément, j’ai donc pensé aux dalits en voyant la police maltraiter les migrants, alors qu’ils sont porteurs de droits inscrits dans le droit international, que l’État est censé protéger et défendre.

Comment passe-t-on de l’indignation au fait de filmer ?

Cette chasse à l’homme que je voyais se dérouler sous ma fenêtre m’interpelait directement, à la fois en tant que citoyen et habitant de ce quartier. Il m’était impossible d’y assister passivement. La filmer était déjà une manière de pouvoir en témoigner, de ne pas accepter qu’elle puisse rester invisible, de pouvoir la dénoncer, de mobiliser des soutiens. J’ai continué à filmer les jours suivants, notamment au cours de la grande rafle du 8 juin à la Halle Pajol, qui fut d’une violence inouïe comme on le voit dans le film, comme si une guerre était déclarée aux migrants qui sont capturés comme des bêtes. J’ai au cours des jours suivants été contacté par le site d’informations Mediapart qui m’a demandé de réunir une équipe bénévole pour assurer un suivi dans un blog, qui a été baptisé « La Chapelle en Lutte », d’après le nom du quartier. J’ai donc demandé aux gens, migrants et soutiens avec qui je discutais de la situation, de contribuer à ce blog, qui a été un des outils mobilisé pour donner une visibilité publique à cette lutte. Dans ce but, j’ai continué à prendre avec moi mon appareil photo pour pouvoir illustrer les articles par des photos et j’ai aussi continué à filmer la vie des campements. C’est ainsi qu’au fur et à mesure que je récoltais ce matériau filmique, sans que je puisse exactement pouvoir dire quand, l’idée d’un film a commencé à germer. Ce film est donc né de mon implication et de l’urgence de laisser une trace de ce qui se passait. Car il y avait quelque chose d’extraordinaire, au sens premier du terme, à voir ces gens arriver et susciter une telle solidarité, brisant la logique d’indifférence à autrui des grandes métropoles.

Durant deux mois, jusqu’au dernier campement dans le quartier La Chapelle fin juillet, je me suis entièrement consacré à ces activités sur et autour des campements. Lorsque le campement s’est déplacé en 2016 dans le 19e arrondissement au métro Stalingrad, suite à l’occupation du Lycée Jean Quarré,  j’ai continué à suivre pour le blog et à participer aux manifestations, mais de manière plus distanciée que pendant cette période d’engagement total dans mon quartier. J’ai alors commencé à réfléchir à la manière de mettre cette histoire des campements de la Chapelle en récit sous forme cinématographique.

Photo de tournage de Bariz (Paris), le temps des campements (2020, 70 mns, Iskra Productions et EHESS).

Photo de tournage de Bariz (Paris), le temps des campements (2020, 70 mns, Iskra Productions et EHESS).

Comment décrirais-tu le type de relation filmique qui s’est tissée avec les migrants ?

La légitimité pour filmer n’a pas été donnée d’emblée, contrairement à mon expérience en Inde, où les Dalit Panthers me l’avaient eux-mêmes proposé. D’abord, il y avait parmi les migrants une réticence liée, d’une part, à la présence de nombreux journalistes faisant des images dont ils avaient conscience qu’elles ne servaient pas leur cause, mais contribuaient à produire des images d’indésirables, d’autre part, à des personnes venant sur les campements avec des appareils photo pour témoigner sur internet, ou même en simples touristes ; enfin l’hostilité par rapport au misérabilisme, principal angle recherché par beaucoup de preneurs d’image soit pour satisfaire la demande du marché audiovisuel soit par pur automatisme consistant à reproduire les stéréotypes ambiants. On peut d’ailleurs faire le parallèle avec les gens qui venaient sur les campements faire des dons, tout en reproduisant des gestes et des images liés au secteur de l’humanitaire (faire des selfies avec des migrants pour motiver les dons, mettre des gants en plastique et des gilets de secours pour les distributions…). Ce qui explique que parmi les soutiens les plus politisés il y avait également une réticence aux images, pour ces mêmes raisons, mais aussi en raison de l’influence de Guy Debord((Debord G., 1967, La société du spectacle, Paris, Buchet-Chastel.)) et de sa critique de la société du spectacle, très influente dans l’extrême gauche.

J’ai pu cependant trouver des alliés parmi ces derniers, qui ont considéré qu’il était utile de conserver des traces de cette lutte. Rapidement, j’ai aussi fait inscrire une demande de pouvoir filmer lors d’une Assemblée générale, ce qui m’a permis de filmer ces discussions collectives en AG, la préparation des banderoles, etc. En dehors de ces moments collectifs plus explicitement politiques, j’ai filmé d’autres aspects plus quotidiens de la vie sur le campement de certaines personnes, avec lesquelles j’avais établi un lien de confiance, comme Diallo que j’avais rencontré dès le premier jour, et Ismaïl. J’ai cependant évité de filmer de manière intrusive des moments de leur quotidien, car mon souci était de respecter leur dignité et leur intimité. C’était d’autant plus évident que cette relation personnelle établie avec eux (par exemple, mon appartement leur était ouvert) avait une dimension amicale. Je ne les ai donc jamais filmés comme on peut filmer des personnes anonymes, sur lesquelles il est plus facile de reproduire des stéréotypes liés à une catégorie sociale, en l’occurrence, celle de « migrants » avec tous les stéréotypes misérabilistes associés dans le discours médiatique à ces nouveaux damnés de la terre. Alors que sur un plan du savoir académique j’étais peu équipé sur cette question migratoire sur laquelle je n’avais jamais travaillé, c’est donc la considération humaine qui m’a permis spontanément de refuser ce genre d’images et de les filmer dignement, comme des égaux en proie à des difficultés. Je me rends compte d’ailleurs après avoir revu les rushs, que les images contiennent une complicité ou un désir de rapprochement, mais qu’il n’y a pas de trace de pitié ou de commisération.

Photo de tournage de Bariz (Paris), le temps des campements (2020, 70 mns, Iskra Productions et EHESS).

Photo de tournage de Bariz (Paris), le temps des campements (2020, 70 mns, Iskra Productions et EHESS).

À l’inverse de cette vision « misérabiliste », dirais-tu que les migrants sont les nouveaux héros de notre temps ?

Il est vrai qu’en raison de leur contestation de facto des frontières et de leur détermination à circuler librement dans un monde où la liberté de circulation devient un privilège restreint, en raison de leur jeunesse, de la manière dont ils viennent se confronter à un ordre social et politique hostile, ils peuvent incarner une forme, sinon d’héroïsme du moins de courage, qui peut être associée à des idées romantiques. Il est évident que lorsqu’ils sont apparus en nombre en plein Paris, en 2015, la fascination qu’ils ont pu exercer sur de nombreux soutiens, jeunes, contestataires, relevait d’ailleurs plus de cette fascination pour une forme de rébellion des damnés de la terre que d’un misérabilisme. Pourtant celui-ci, qui va de pair avec une posture humanitaire, a fini par s’imposer parmi les soutiens après la médiatisation de la photo de l’enfant syrien noyé sur une plage en septembre 2015, qui a engendré une vague de soutien plus apolitique, moins distanciée des stéréotypes médiatiques. Cette compassion s’est traduite par un déversement en grande quantité de dons d’habits et de nourriture sur les campements. Cependant, l’héroïsme n’est pas l’angle que j’ai choisi pour les filmer. Si l’héroïsation peut faire recette au cinéma et qu’elle peut effectivement se prêter à une forme de récit politique, que je souhaitais privilégier, elle ne ne rend cependant pas compte de l’expérience vécue. Je n’ai pas cherché à faire des portraits héroïques mais plutôt à faire des portraits sensibles de personnes à la fois courageuses, vulnérables, parfois candides quant à leurs attentes vis-à-vis de la France et faisant un apprentissage politique consistant à se positionner dans ce nouveau contexte. Bref, ils sont montrés comme des personnes à la fois singulières et ordinaires, qui font face à des conditions hostiles. Il est clair néanmoins que l’attrait qu’ils ont pu avoir sur les soutiens, qui relève de cette forme d’héroïsme, est visible dans le film et qu’elle est toujours une tentation, même lorsqu’on décide de la refuser. Mais ce que le film raconte avant tout, c’est l’histoire d’une rencontre entre habitants d’un quartier et nouveaux arrivants et d’une tentative de se connaitre pour pouvoir construire une mobilisation politique respectueuse. C’est peut-être une vision idéaliste de cette lutte, où de nombreux stéréotypes et malentendus existent aussi de part et d’autre entre migrants et soutiens, mais je n’avais pas l’intention de porter un regard extérieur et distancié qui mette en avant ces critiques. Ma démarche a consisté à prendre au sérieux cette rencontre et à la traiter de manière à la fois positive et lucide, c’est-à-dire en évitant soit de l’idéaliser soit de la tourner en ridicule, ce qu’on peut toujours faire lorsqu’on prend les choses de haut ou de manière cynique. J’ai donc tenté, de l’intérieur, en tant qu’acteur portant un regard à hauteur humaine sur ce collectif, de rendre compte de ce qu’il avait de beau mais aussi de ses contradictions, ses apories et finalement, son échec en termes de lutte, du moins si l’on évalue une lutte à ses résultats tangibles immédiats. La démarche du film est de laisser une trace, de contribuer à faire que ce moment nous offre un repère, de même que d’autres luttes dans l’histoire, qui même si elles n’ont pas été victorieuses, ont continué à alimenter le récit historique de l’émancipation.

Photo de tournage de Bariz (Paris), le temps des campements (2020, 70 mns, Iskra Productions et EHESS).

Photo de tournage de Bariz (Paris), le temps des campements (2020, 70 mns, Iskra Productions et EHESS).

Pourquoi montrer tous les points de vue et pas seulement ceux des migrants ?

A priori l’idée du film était de privilégier le point de vue des migrants en retournant sur les lieux des anciens campements avec eux, six mois plus tard. C’est un procédé qui a déjà été utilisé par des films de lutte pour faire surgir la parole, les émotions et la réflexion en confrontant les acteurs aux lieux d’un vécu de la lutte souvent intense. Cependant, avant de me résoudre à n’interviewer que des migrants, j’ai d’abord hésité à croiser la parole des soutiens et celle des migrants. J’ai vite réalisé, après en avoir parlé avec d’autres soutiens, que cela aurait été contraire à un principe phare de cette lutte, qui voulait que les soutiens s’effacent au profit des migrants, sous peine de recouvrir leurs paroles. J’ai eu envie de faire un film qui fasse écho à une idée développée dans cette mobilisation et qui faisait son originalité. J’ai donc opté pour des choix de réalisation fidèles au sujet du film, au risque peut-être d’être partisan. Mais en faisant cela, j’étais fidèle à moi-même et à mon ressenti pendant le tournage.

En 2016, j’ai donc proposé à Ismail (Soudan) et Fathi (Soudan), qui avait été un des délégués des migrants, de les interviewer lors d’une déambulation dans le quartier. J’aurais aimé pouvoir les filmer aussi dans leurs hébergements pour montrer leur cadre de vie actuel, mais cela n’a été possible qu’avec Fathi qui vivait dans un hôtel meublé parisien libre d’accès. Au contraire, le foyer d’Ismail était interdit aux visiteurs.

Le film assume donc assez résolument le point de vue du campement, dans son hétérogénéité. En revanche, les personnes extérieures, favorables à sa disparition, sont traitées par les migrants et les militants comme étrangères à la communauté, et même comme hostiles et indésirables. Donc loin de moi l’idée de rechercher une neutralité, c’est un film résolument subjectif, d’ailleurs à double titre : à la fois car il est personnel et aussi parce qu’il montre une forme de subjectivité émergente, celle des campements, qui est collective et hétérogène. En revanche, c’est à l’intérieur du campement que différents points de vue émergent, qu’il s’agisse des différences de situations entre migrants et soutiens, ou même des différences d’opinions ou des conflictualités en leur sein. Or, pour répondre plus directement à la question, bien que le film ait voulu valoriser le point de vue des migrants, celui des soutiens reste irrémédiablement dominant. Cette impression que le film porte également sur eux révèle donc sans doute un paradoxe de cette lutte pour l’autonomie des migrants, qui se manifeste aussi dans une grande énergie déployée par des soutiens pour que cela puisse exister. En effet, les soutiens, et parmi eux celles et ceux qui sont partisans de l’autonomie des migrants, sont des personnes très politisées et dont le principal intérêt est celui de construire une lutte avec les migrants. Ce qui explique que pour affirmer qu’il s’agit bien d’un film consacré à la parole des migrants, le début et la fin du film se resserrent uniquement sur la parole des migrants, en les interrogeant six mois plus tard sur leur arrivée à Paris, leur découverte de ce campement, leur perception de cette mobilisation et des soutiens.

Photo de tournage de Bariz (Paris), le temps des campements (2020, 70 mns, Iskra Productions et EHESS).

Photo de tournage de Bariz (Paris), le temps des campements (2020, 70 mns, Iskra Productions et EHESS).

Qu’est-ce que t’ont appris les migrants ? 

Je n’ai jamais été en Afrique subsaharienne et j’ai donc appris par eux beaucoup de choses sur leurs pays, notamment sur les aspirations contrariées de la jeunesse dans des régimes autoritaires comme le Soudan et l’Érythrée. Je me suis aussi retrouvé confronté de manière concrète au rôle de la France et de l’Union européenne, notamment dans un pays comme le Soudan où une coopération qui a pour nom « processus de Khartoum » vise à donner des moyens logistiques pour « la gestion des flux migratoires », ou dans un langage moins technocratique, la dissuasion des migrants par la violence. Début juin 2019, les massacres des insurgés pacifistes à Khartoum ont soulevé la manière dont ces subventions et cette diplomatie avaient favorisé l’émergence de la milice Janjawit, un acteur clé au Darfour, lors des révoltes récentes à Khartoum et dans d’autres villes du Nord ainsi que dans la guerre du Yémen. Ce dont parlait déjà Fathi en 2016 dans l’interview du film. 

J’ai également été confronté à l’irrationalité de ces frontières qui ne s’appliquent finalement qu’aux humains, ou plutôt, de manière raciste à certains seulement, qui sont précisément ceux qui ont besoin de migrer pour des raisons indissociablement économiques et politiques, alors que les capitaux, les marchandises et les touristes circulent librement.
Enfin, et c’est l’enseignement principal du film, j’en suis venu à comprendre la place des campements dans la ville de manière radicalement différente par rapport au discours du pouvoir, qui les décrit comme des lieux indignes et indésirables. Les campements parisiens ont été l’occasion d’une rencontre entre les Parisiens et ces nouveaux arrivants, qui ont permis à ces derniers de créer des liens humains qui leur ont été précieux pour leur insertion et qui se sont parfois transformés en amitiés et en soutiens durables. Pour les personnes qui sont venues soutenir les migrants, cela a été une source de politisation et d’apprentissage de nouvelles pratiques solidaires. Ce genre de choses n’existe plus depuis que les migrants ont été repoussés aux portes de Paris, loin des regards des Parisiens. En réalité, j’en suis convaincu, ces lieux sont éradiqués non pas en raison de leur insalubrité, qui n’est pas la préoccupation des dirigeants comme le montre la situation actuelle à la Porte de la Chapelle, mais parce qu’ils sont des lieux subversifs de politisation et d’engagement citoyen, ce qui menace directement les professionnels de la politique dans leur prétention à gouverner sans le peuple.

Les séquences initiales et finales du film, plus introspectives, où Ismaïl, soudanais, revient six mois après sur les lieux sont très émouvantes, car elles montrent malgré l’insalubrité de ce campement les liens de solidarité qui s’étaient tissés entre les migrants ainsi qu’avec les habitants du quartier, liens qui se sont dissous depuis qu’ils ont été relogés de façon disparate hors de Paris. Peux-tu revenir sur cette situation qui peut paraître à première vue paradoxale mais qui a très bien été décrite dans les années 1970 par l’anthropologue urbaine Colette Pétonnet((C. Pétonnet, 1979, On est tous dans le brouillard, Paris, Galilée.)) à propos du relogement en banlieue des habitants des bidonvilles de Paris. Solidarité qui existait aussi dans la « jungle » de Calais où la vie des migrants était organisée comme dans une ville, avec ses épiceries, ses restaurants, ses boîtes de nuit, son théâtre, sa salle de boxe, son infirmerie, ses écoles, ses bibliothèques, sa permanence juridique ainsi que le montre le documentaire de Nicolas Klotz et Élisabeth Perceval, L’héroïque lande. La frontière brûle (2018, 3 h 45), avant que cette organisation sociale surgie de la boue ne soit détruite et ses membres dispersés.

L’intention du film était de comprendre ce que les migrants avaient perçu lors de leur arrivée à Paris sur ces campements. Je tentais de m’imaginer à leur place, découvrant les Parisiens à travers ces soutiens politisés s’agitant fébrilement autour d’eux. Comment se représentaient-ils cette solidarité, faite de bonnes intentions mais aussi de maladresses ? Avec les autres soutiens c’était un sujet qu’on abordait souvent avec entre nous, cette idée que ce qui se passait était un mélange très ambigu de choses « horribles et géniales à la fois ». La situation était très difficile car s’ajoutant aux difficultés de camper dans la rue. Les nouveaux arrivants réalisaient soudain qu’au lieu d’être enfin parvenus à bon port et accueillis comme doivent l’être les demandeurs d’asile, ils se retrouvaient pourchassés et relégués. Mais pour nous, les soutiens, il y avait aussi du positif, car on voyait une solidarité inédite, et c’était aussi l’apprentissage critique du schéma de la charité et de l’humanitaire, au profit d’une tentative d’établir des rapports d’égalité, de solidarité plutôt que de charité… C’était une expérience politique et humaine à la fois épuisante et extraordinaire. Mais de la part des arrivants, je sentais des réticences et parfois une distance, dans le refus de certains de participer aux AG ou aux manifestations par exemple. Il y avait aussi une certaine incrédulité, certains pensant, par exemple, que nous étions payés par des organisations, des partis politiques d’opposition ou même par l’État. Régulièrement d’ailleurs, des anciens rappelaient aux nouveaux arrivants que nous étions des bénévoles. Sur le moment, il ne m’était possible de capter avec une caméra ces critiques que de manière fugace. Il était difficile d’interviewer des gens pour leur demander ce qu’ils pensaient vraiment de tout cela, d’autant plus que j’étais moi-même identifié comme un soutien très impliqué. Dès lors, en revenant sur les lieux plusieurs mois après, j’avais espoir que la confiance gagnée entre temps, ainsi que l’autonomie gagnée vis-à-vis des soutiens grâce à la prise en charge dans des foyers, permettrait de libérer cette parole. J’ai été surpris de sentir dans les interviews que leur rapport à ces campements était également positif. Ismaïl m’a même surpris en déclarant spontanément sa nostalgie de ces moments passés à la rue. Même si objectivement on ne peut écarter la possibilité d’un discours de convenance à mon égard et à l’égard des anciens soutiens présents au tournage (Marie-Clotilde Macherey, la preneuse de son, en faisait partie, de même que Fathia Chaari, qui mène l’entretien avec Ismail en arabe), je ne mets pas en doute la sincérité de son récit. En réalité, l’enthousiasme d’Ismail est peut-être excessif car il avait particulièrement souffert sur le campement des violences entre migrants (par exemple lors de bagarres épisodiques éclatant au moment des distributions de nourriture et de vêtements). Il me semble donc que cette idéalisation du passé doit être comprise comme une manière de dénoncer les conditions de vie dans son foyer, où il s’estime mal traité, parlant même d’une « attitude coloniale ». En ce qui concerne Fathi, il ne va pas jusqu’à regretter la vie à la rue. Pourtant, la séquence tournée dans sa chambre d’hôtel parle d’elle-même de l’âpreté de son quotidien et de son isolement. Lui aussi reconnait d’ailleurs, comme Ismail, que le fait de trouver des personnes solidaires à son arrivée pour faire valoir ses droits a constitué une aide précieuse, sur un plan à la fois matériel et moral.

En quoi réaliser des films complète et modifie ta pratique anthropologique ?

Dans le prolongement d’une réflexion amorcée avec mon précédent film, cela représente une nouvelle exploration de l’anthropologie visuelle qui met en valeur le cinéma comme outil de description ethnographique­ — ou plutôt de « dépiction » comme le note David Mac Dougall dans The Corporeal Image((D. Mac Dougall, 2005, The Corporeal Image. Film, Ethnography, and the Senses, Princeton N.J., Princeton University Press.)). Ce théoricien et praticien du film ethnographique observe que la différence entre le film et l’écriture tient à la manière dont l’image cinématographique implique le corps humain, produisant une représentation incarnée du monde, qui ne s’adresse pas qu’à l’intellect mais aussi au corps du spectateur, directement impliqué dans une relation aux corps filmés. Filmer de cette manière permet ainsi d’enregistrer un rapport immédiat, empreint d’affects, qui précède la pensée, et qui diffère de la formulation plus conceptuelle et souvent convenue de l’écriture académique((«In many respects filming, unlike writing, precedes thinking. It registers the process of looking with a certain interest, a certain will» (D. Mac Dougall, 2005, p. 7).)). Comme le rappelle judicieusement Mac Dougall, alors que l’écriture est dépendante des présupposés du vocabulaire et d’une forme de domestication du monde à travers les règles grammaticales, le cinéma possède un caractère plus indéterminé. Si l’on peut objecter à cette argumentation que la raison d’être de la créativité littéraire — et de la poésie plus particulièrement — consiste à réinventer d’autres récits et des nouvelles significations en tordant les mots et la grammaire, l’écriture scientifique pose quant à elle des problèmes particuliers. Bien qu’elle ait pour fonction de se départir du sens commun, elle a comme le note David Mac Dougall pour caractéristique d’avancer de manière hypothético-déductive vers des conclusions, ce qui n’est pas le cas avec le cinéma. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que les films ont souvent des fins ouvertes à différentes interprétations. Je pense aussi que le cinéma ethnographique offre un outil puissant non pas seulement pour sa capacité descriptive, mais également pour rendre compte d’une présence sur le terrain de l’ethnographe. Car la présence de la caméra (et des intentions et des affects de celui qui la manie) est indissociable de l’image produite, là où l’écriture permet d’effacer cette présence pour correspondre aux attentes d’un discours scientifique qui se drape souvent des apparences de l’objectivité. L’anthropologue Éric Chauvier((E. Chauvier, 2011, Anthropologie de l’ordinaire. Une conversion du regard, Paris, Anacharsis.)) souligne qu’alors que l’anthropologie repose sur la médiation de l’écriture, l’acte d’écrire a largement été occulté par la discipline. Même pour une anthropologie plus réflexive et située, qui utilise le « je » et problématise le point de vue en fonction des appartenances sociales multiples de l’ethnographe, il me semble souvent difficile de donner à ce « je » la place juste dans l’écriture scientifique. Le « je » prend facilement une connotation narcissique gênante, là où selon moi, le cinéma permet de l’exprimer de manière plus subtile et de le doser au montage pour être présent sans être embarrassant. Alors qu’Éric Chauvier réfléchit à des formes d’écriture anthropologiques inspirées de la littérature, ma réflexion propre passe donc par le cinéma, qui offre des solutions radicales en s’émancipant du langage et en mettant en jeu le corps de l’ethnographe. Personnellement, ma manière d’apparaître dans les films est plutôt discrète et uniquement par la présence de celui qui filme (à travers les mouvements de la caméra et le regard qui la guide, et parfois une présence sonore lorsque j’interpelle ou dialogue brièvement avec les personnes filmées), ainsi que par le montage. Dans le cas de Bariz, je trouve d’ailleurs qu’il aurait été déplacé de ma part de faire un film à la première personne, là où il s’agissait surtout de saisir la parole et le ressenti d’autres, dont le point de vue est plus rare et bien plus intéressant que le mien, d’homme blanc, privilégié, dont l’espace public sature déjà jusqu’à donner la nausée. Néanmoins, je ne souhaite pas m’effacer au point de reproduire les travers d’un universalisme abstrait et ma présence, dans la situation filmée est donc assumée, de même que le point de vue interne à la lutte qu’elle assume.

Photo de tournage de Bariz (Paris), le temps des campements (2020, 70 mns, Iskra Productions et EHESS).

Photo de tournage de Bariz (Paris), le temps des campements (2020, 70 mns, Iskra Productions et EHESS).

Les protagonistes du film affirment explicitement leur droit à la dignité et au respect, au fait qu’ils ne sont pas des mendiants mais qu’ils souhaitent travailler, avoir un toit ainsi qu’un rôle actif dans la société « d’accueil », loin des stéréotypes qui les considèrent comme des « parasites » ou même des terroristes, penses-tu que ce film participe au changement de tels stéréotypes ?

J’en doute, car à moins d’un miracle, ce film n’a pas pour vocation de passer à la télévision ou de toucher un public large. En général, ce type de films sans budget n’est même pas distribué en salle et s’il est sélectionné dans un festival c’est déjà une chance qu’il soit vu par un public déjà averti. Il circulera probablement, comme mon film sur l’Inde, dans des universités, des réseaux militants et associatifs, ce qui fait qu’il sera vu par des gens qui pour la plupart ne partagent pas ces stéréotypes. Il s’agit plus à la limite de poursuivre la réflexion avec des militants, des personnes sensibles à la cause des migrants, et les migrants eux-mêmes, sur l’expérience politique des campements parisiens. Il s’agit surtout de laisser une trace de cette solidarité. J’ai été convaincu lorsque je me suis occupé du blog sur Mediapart, de la nécessité de créer une archive de cette lutte dans laquelle on pourrait non seulement retrouver les faits, mais aussi les ressentis des situations concrètes, que les journalistes ou les personnes extérieures étaient peu à même de saisir. C’est aussi pour alimenter la réflexion pour les luttes à venir, que j’ai réalisé ce film, afin de réfléchir à quel type de ville nous aspirons, à quel type de communauté nous pouvons organiser dans nos quartiers, en agissant solidairement face aux drames du monde actuel.

Il existe une longue filmographie sur les migrants ces dernières années qui répond à l’urgence de témoigner de leur situation dramatique, quels sont ceux qui t’ont le plus marqué et pourquoi ? Avais-tu déjà une idée de ce que tu voulais filmer et de ce que tu voulais éviter de montrer ?

Bien sûr j’ai été attiré par ces films et j’en ai apprécié certains plus que d’autres. Cependant je n’ai pas cherché à me positionner ou me démarquer par rapport à tel ou tel film pour la simple raison que je n’ai pas écrit le film en amont, comme on est poussé à le faire lorsqu’on présente un dossier de financement pour le CNC ou la SCAM. Ces notes d’intentions et de réalisation incitent les réalisateurs à trouver une approche originale et à faire en amont des choix artistiques du tournage. En ce qui me concerne, comme je l’ai dit, j’ai commencé à filmer dans l’urgence et l’idée de faire un film s’est imposée parce que je continuais à filmer. Le but du filmage était au départ plus lié à mes préoccupations d’anthropologue, c’est-à-dire qu’il me semblait important d’enregistrer les gestes des gens présents et la parole, plus particulièrement les assemblées générales et autres discussions plus restreintes, où s’élabore une intelligence collective. J’ai ensuite imaginé de retourner sur le lieu des campements d’une manière qui me semblait correspondre à ce que je voulais raconter, à savoir faire un récit sensible de ces deux mois de mobilisation avec les migrants à La Chapelle, qui se base sur leurs propres ressentis, leurs mots, leurs récits. Comme je l’ai dit, mon seul souci était d’éviter le misérabilisme et de montrer une tentative de s’auto-organiser, ce qui à mon avis est la meilleure manière de montrer la dignité, même dans des conditions si dures.

Tu utilises quelques effets dans ton film, comme le ralenti, et tu joues aussi avec le son et la musique pour créer des contrastes entre des scènes successives, peux-tu expliciter ces choix cinématographiques ?

La musique, les effets du montage, ce sont des possibilités artistiques qui s’offrent au cinéaste. Certains documentaristes préfèrent éviter d’en jouer pour rester dans un rapport plus brut au tournage. Pour ma part, j’aime parfois rendre visible mon intervention sensible au moment du montage par ce type d’effets, qui sont une manière d’exprimer un ressenti dans un moment où l’on se replonge dans les émotions du tournage, où des intuitions porteuses de sens surgissent, qui ont besoin d’être exprimées et matérialisées, par exemple par de la musique.

La bande sonore est une musique improvisée conçue par la compositrice de musique expérimentale contemporaine, Elsa Biston et joué par son collectif de musiciens de jazz « La Plage ». Lors des débuts du montage, j’ai été assister à leur concert. J’étais encore rempli des sensations de ma journée de travail et la musique m’a semblé s’associer parfaitement avec les émotions que je pouvais ressentir par rapport au film. J’ai parlé à Elsa qui est une amie, de l’idée d’essayer certaines plages sonores sur des plans. Elle m’a confié l’enregistrement du live et en effet, la musique était bien propice au film, déjà en raison de sa consistance, car elle est discrète, subtile et éparse, donc elle se mélange facilement avec le son « In » du tournage. Ensuite, sur le plan de ce qu’elle exprime, de sa dramaturgie très subtile. Il me semble que son apport au film c’est de laisser entendre que quelque chose d’intrigant et d’indicible, car entièrement nouveau, se passe sur les campements, comme un enjeu encore indiscernable mais juste perceptible à l’oreille, qui traverserait l’existence du campement, de la solidarité et de leur destruction par les forces de la répression. Un enjeu humain qui sous-tend cette lutte et traverse le film.

Peux-tu évoquer l’effet du ralenti au moment d’une charge de CRS sur des soutiens aux migrants alors qu’ils étaient en train de manifester de façon pacifique et festive ?

C’est aussi une manière de montrer la brutalité policière. Il se trouve que j’étais en train de filmer depuis une fenêtre au rez-de-chaussée et que les policiers m’ont frappé à coups de matraque sur les jambes, me faisant chuter. Ma voisine, celle qui embrasse son petit ami à travers les grilles dans cette scène, s’est d’ailleurs cassée le pied dans la chute. Interrompu par la chute, je n’ai donc pas pu filmer assez longtemps pour que cette charge de police puisse avoir la durée nécessaire pour s’imprimer sur les rétines et laisser au spectateur le temps de réagir. J’ai donc utilisé le ralenti pour pallier à ce manque de durée. Pour résoudre l’absence de son sur le ralenti, j’ai ajouté des sons de tambours qui font résonner la violence et soulignent le côté primaire et destructeur de la force. Ces expérimentations avec la musique m’intéressent car elles produisent souvent des effets uniques et inattendus et c’est lorsqu’elles contribuent au récit, soit par la dynamique qu’elles créent dans le montage, soit par le sens qu’elles produisent, que je décide de les garder au montage. Parfois, il est difficile de mettre des mots sur la sensation provoquée par la musique, mais il suffit que cela sonne juste et l’on découvre ensuite plus tard pourquoi cela fait sens, ce que ça raconte. La sensation devient alors « précurseur » du sens que l’intellect ne formule que dans un second temps.

As-tu pu montrer le film aux personnes filmées et quelle a été leur réaction ?

C’est une question qui revient souvent après les films documentaires et qui est importante, car elle montre bien que le cinéma documentaire rend possible ces retours, donc une forme de réciprocité, là où l’écriture académique, souvent jargonnante et opaque, est souvent inaccessible aux enquêtés. Après une projection, Fathi a déclaré que cela avait changé son regard sur le fait de filmer, car jusque-là il avait surtout vu des démarches misérabilistes sur les migrants. Je ne sais pas si c’était pour me faire plaisir, mais il a dit que grâce à ce film il avait compris l’intérêt de filmer. Il s’est d’ailleurs procuré une caméra et réalise un documentaire sur la réussite des Soudanais en France de manière à déconstruire les stéréotypes misérabilistes. Quant à Ismaïl il a été présent chez moi lorsqu’on montait le film, car je l’ai hébergé à certaines périodes de l’année (il rencontre de gros problèmes de logement bien qu’il travaille en CDI dans la restauration collective) et manifestement cela le touchait beaucoup de s’entendre et se voir à l’écran raconter son histoire. Il a été fortement ému lorsqu’il a vu le film terminé, car le fait de revoir des visages connus à cette époque remuait des souvenirs de ces moments des campements. Il a dit que pour les migrants c’était plus facile à cette époque que maintenant.

Photo de tournage de Bariz (Paris), le temps des campements (2020, 70 mns, Iskra Productions et EHESS).

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Nicolas Jaoul
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"Bariz (Paris), le temps des campements : filmer la lutte des migrants. Entretien de Nicolas Jaoul par Corinne Fortier." Revue Science and Video [Online]. Available: https://scienceandvideo.mmsh.fr/9-9/. [Accessed: 27 avril 2024]
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